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chapelain et missionnaire à la fois. Il refusa d’abord, ne voulant pas abandonner sa mère ; mais elle-même lui dit qu’eût-elle vingt fils, elle voudrait les dévouer à une pareille œuvre, au risque de ne les revoir jamais, et le 14 octobre 1735, il partit avec son frère et deux amis. Tout en faisant son métier de chapelain, il se proposait d’évangéliser les Indiens, de créer des écoles pour les enfans, des asiles pour les orphelins, enfin de former des sociétés particulières de sainteté. Il eut de bonne heure cette dernière vocation ; toutefois malgré son zèle l’accomplissement de ces divers projets rencontra plus d’un obstacle, moins dans la population que dans l’administration de la colonie, dont ce zèle même contrariait parfois les vues. Il gagna du moins de l’expérience dans ces difficultés inévitables, et en apprécia davantage les leçons édifiantes qui lui vinrent d’ailleurs. Il avait fait la traversée avec quelques familles de frères moraves qui allaient en joindre d’autres en Géorgie. Trente ans environ s’étaient écoulés depuis que le comte de Zinzerdorf avait fondé cette nouvelle société chrétienne qui, affranchie du joug d’un formulaire et d’un culte traditionnel, unie seulement par la foi luthérienne en Jésus-Christ, pratiquait la communauté des biens, les œuvres de la charité et les travaux les plus humbles de la vie la plus simple. Wesley n’avait été jusque-là qu’un fidèle ministre de sa communion, imbu de tous les principes de la haute église, et ne séparant pas la religion de l’idée d’un établissement hiérarchique, d’une autorité divinement transmise, d’une liturgie légalement prescrite. L’exemple des moraves lui donna à réfléchir, et lorsque désespérant de mener à bien sa mission, telle du moins qu’il l’avait conçue, il quitta l’Amérique, il revint dans sa patrie, le cœur troublé par le repentir, le doute et l’inquiétude. Il avait appris des moraves que la foi qui sauve n’est pas l’adhésion de l’esprit aux vérités révélées, mais un sentiment intime d’amour de Dieu et de confiance en Jésus-Christ qui nous persuade que nos péchés sont rachetés par lui, et que par ses mérites le pardon divin nous est acquis. Cette doctrine, bien que commune à toutes les églises réformées, s’était fort affaiblie dans celle d’Angleterre ; ce sentiment intime, Wesley le cherchait en vain dans son cœur ; il craignait la mort, il s’effrayait de l’autre vie, il se sentait pécheur et ne se sentait point pardonné. Ses jours se passaient dans l’anxiété et le désespoir. A Londres, il rechercha les communautés moraves, fit connaissance avec un des leurs, Pierre Boehler, qui arrivait d’Allemagne. Il le prit pour guide spirituel, quoiqu’ils ne pussent se parler qu’en latin, se rendit assidu aux réunions d’une petite congrégation que Boehler dirigeait, et surtout apprit de lui à n’attendre sa conversion ni des mystiques ni des théologiens, mais seulement de l’Écriture sainte. La lecture