Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 85.djvu/363

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dévoûment à l’église anglicane n’a pas empêché d’être équitable et bienveillant envers le provocateur d’un schisme célèbre ; nous avons enfin le recueil où il a surtout puisé, le journal que Wesley a tenu des moindres événemens de sa vie pendant cinquante-cinq ans[1]. Enfin, à ces diverses sources d’informations, il s’est joint pour nous une nouvelle histoire des églises libres en Angleterre, récemment publiée par M. Skeats et qui, sous une forme abrégée, présente autant d’instruction que d’intérêt.

Toute la réforme anglaise est dans Wyckliffe. Il avait soutenu dès le XIVe siècle la suprématie royale contre celle du pape, la vanité et le danger des œuvres du rituel catholique, — ce qui conduit à faire de la foi l’unique condition du salut, — enfin l’invariable fixité des décrets de Dieu qui, dans son omnipotence arbitraire, a choisi ses élus de toute éternité, — ce qui conduit au dogme étroit de la prédestination absolue. Deux cents ans plus tard, tous les protestans de la Grande-Bretagne admirent en totalité ou en partie ces trois points. Henri VIII s’attacha au premier et s’en contenta pour refaire son église. Les puritains, qui se séparèrent ou seulement se distinguèrent, admirent le second comme toute la réformation et se partagèrent sur le troisième. Ceux qui l’adoptèrent furent appelés calvinistes ; ceux qui voulurent en modérer la rigueur, arminiens. Puis, comme une fois que l’unité catholique est brisée, l’autorité universelle méconnue, et la raison appliquée à l’Écriture, tous les dogmes sont mis à l’épreuve de l’examen, l’esprit de l’arminianisme, qui n’est que la théorie naturelle du libre arbitre, s’étendit à tous les mystères, à celui même de la Trinité, et produisit une liberté d’interprétation qui rapproche de plus en plus.la foi de la raison. Cette liberté, que toute orthodoxie traite de relâchement, altère diversement la croyance, mais n’altère pas toujours la piété. De Henri VIII à la mort de Charles Ier, bien des variations dogmatiques se produisirent avec des degrés différens de zèle et d’intelligence, et formèrent des sectes durables que l’oppression, la persécution, les supplices même ne purent anéantir.

L’église épiscopale, avec la religion de la royauté, professait dans ses symboles les dogmes de la justification par la foi et de la prédestination absolue ; mais elle varia sur le dernier. Whitgift, primat sous Elisabeth, le mit au rang des articles fondamentaux. Laud, son successeur sous Charles Ier, l’abandonna pour un arminianisme mitigé qui se maintint après lui et domina dans

  1. The Journal of the Rev. John Wesley, 4 vol. in-8o, Londres 1827. Il ait lui-même dans un avertissement que c’est l’extrait fait par lui d’un ouvrage plus étendu. Il est divisé en sections, précédées souvent d’une préface. L’auteur l’a commencé le 24 octobre 1735 et fini le 24 octobre 1790.