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faire tous communiquer entre eux. La position relative des villes ne manquait pas d’ailleurs d’une certaine exactitude, et cela s’explique, car les Chinois, qui ont connu la boussole avant nous, savent fort bien s’orienter. Leur mesure de distance, qu’ils appellent li, correspond au dixième de notre lieue terrestre. Notre ami le mandarin répondait à nos questions en ayant sous les yeux cette carte, qui lui était familière, mais qui avait l’inconvénient d’entretenir dans son cerveau sur l’orographie et l’hydrographie du Yunan les idées les plus saugrenues. Il nous confirma toutefois que le fleuve qui baigne les murs de la, ville se jette à la mer après avoir traversé le Tongkin. Compris entre le bassin du Yang-tse-kiang et celui du Mékong, il prend sa source dans une de ces ramifications méridionales de l’Himalaya qui donnent également naissance au Ménam et à la rivière de Canton. Il coule, du nord-ouest au sud-est, porte encore à Yuen-kiang le nom de Hoti-kiang, et ne reçoit celui de Sonkoï que non loin des frontières tonkinoises. De Yuen-kiang au niveau de la mer, le baromètre, n’accuse qu’une différence de hauteur de 400 mètres, ce qui, sur une telle distance, permet de supposer au Sonkoï un cours peu accidenté. Nous avons remarqué cependant l’existence de plusieurs rapides, et nos renseignemens constatent celle d’une véritable cataracte infranchissable pour les barques chargées. Cet obstacle se rencontre sur le territoire du Yunan ; mais à partir du premier marché annamite, lequel ne serait éloigné de Manko, le dernier marché chinois, que de trois jours de marche, les marchandises se rendraient en seize jours, par la voie fluviale, à Ketcho, capitale du Tongkin, sans avoir à subir aucun transbordement. Quoiqu’il y ait un banc à chacune des trois, embouchures du Sonkoï, celles que les Annamites appellent Meign-shoon et Bien-shoon offrent aux bâtimens dont le tirant d’eau ne dépasse pas 3m,50 ou 4 mètres un port accessible et parfaitement à l’abri de tous les vents.

Il se faisait avant la guerre, entre le Yunan et le Tongkin, un commerce très considérable, qui semble avoir été surtout alimenté par les métaux. Une grande partie du zinc qui sert à fabriquer les sapèques de l’empire d’Annam était apportée par caravanes jusqu’au premier marché tonkinois, où les Chinois recevaient de l’argent en échange. Ces relations nécessaires et fréquentes n’avaient cependant pas entièrement effacé le souvenir dès luttes ardentes qui, à d’autres époques, ont agité les deux contrées voisines. Au IXe siècle de notre ère, les tribus barbares du Yunan méridional se soulevèrent en même temps que celles du Tongkin contre l’autorité des empereurs de Chine. Les historiens annamites qui rapportent ce fait affirment même qu’à cette époque une portion du Yunan faisait partie du territoire tonkinois, et qu’elle n’en fut détachée que lorsque