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d’avoir créé la monnaie. Il en fit fabriquer en fer, métal que nous avons vu rendre encore des services de ce genre dans certaines parties du Laos. Depuis, la monnaie a varié bien souvent quant à sa forme et à sa substance : les coquilles ont été employées aussi bien que la terre cuite et le papier ; mais aujourd’hui et depuis longtemps c’est sur la sapèque de cuivre que repose tout l’édifice. Tandis que l’argent, exclusivement considéré comme marchandise, demeure en lingots dont le titre est très variable, la monnaie de cuivre est fabriquée par l’état et marquée à son coin. Les mines de cuivre sont les seules dont le monopole appartienne à l’empereur, et celui-ci, muni du droit exclusif de battre monnaie et d’exploiter la matière première, peut, au moyen de ce double privilège, faire hausser ou descendre à son gré la valeur des sapèques par rapport au métal dont elles sont fabriquées, en en faisant fondre une certaine quantité ou en activant au contraire le travail des mines. « Il y eut même un temps, dit le père Duhalde, où le cuivre manqua de telle sorte que l’empereur fit détruire près de quatorze cents temples de Fô et fondre toutes les idoles de cuivre pour en tirer de la monnaie. D’autres fois il y eut de sévères défenses à tous les particuliers de garder chez soi des vases ou d’autres ustensiles de cuivre, et on les obligeait de les livrer au lieu où l’on faisait la monnaie. » Le gouvernement a tellement abusé de son droit de monnayage au moment où, de leur côté, les Européens exportaient des ligatures de sapèques, que, lorsque la guerre civile est survenue et a tari dans le Yunan les sources principales de l’approvisionnement du cuivre, les mines exploitées n’ont plus suffi à faire face aux besoins. Alors il a fallu tolérer un fort alliage, pour lequel on emploie surtout le zinc. Ces petites pièces de monnaie sont rondes et percées d’un trou central qui permet de les enfiler les unes aux autres ; il en faut mille pour faire une ligature. Les dimensions en varient d’ailleurs d’une province à l’autre, et ne sont même pas toujours identiques dans deux arrondissemens limitrophes. Notre premier soin en arrivant dans un lieu de halte était toujours de nous informer du taux auquel nous trouverions à vendre notre argent sur la place. Faire de la monnaie, c’est là une opération plus compliquée en Chine qu’en Europe, car on ne peut changer 8 francs sans ployer sous le poids de 1 kilogramme au moins de cuivre monnayé. Les piastres mexicaines étaient ordinairement reçues avec faveur, et nous avions échangé l’or en barre et en feuilles que nous avions fait prendre à Bangkok contre des lingots d’argent pesant 1 once chinoise et valant environ 8 fr.