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par des gens pauvres, aussi incapables de concevoir que d’appliquer une méthode sérieuse. Nous avons pu voir des monceaux de minerai qui attendaient un traitement insuffisant auprès d’un haut-fourneau rudimentaire. — Ce minerai semble très riche et répandu sur une étendue considérable ; la terre qui le recouvre est d’un rouge foncé et tachetée d’ombres mouvantes par des plus clair-semés. Nous savions, et nous avons pu d’ailleurs le constater depuis, que le cuivre figurait au premier rang des richesses minérales du Yu-nan, la province de l’empire la mieux dotée sous ce rapport. Avant les troubles actuels, elle expédiait annuellement au trésor de Pékin des lingots de cuivre brut pour une valeur de près d’un million de francs. Si abondantes que puissent devenir un jour, dans d’autres conditions, les mines de Sin-long-chan, elles ne sauraient être comparées par exemple à celles de Sin-kaï-tseu, d’où l’on extrait du plomb argentifère. Situées à six lieues de Coqui, près du fou de Tchao-tong, à l’extrémité nord-ouest de la province, ces mines, qui.sont au-dessous du niveau de la rivière voisine, occupaient pendant la paix 1,200 ouvriers, rien que pour épuiser l’eau. L’argent étant très commun sur les lieux, on jouait beaucoup, et l’on arrêtait les voyageurs au passage. Quand on les avait adroitement dépouillés, on les contraignait, pour se libérer, à travailler à la mine au prix de 40 sapèques par jour. Les vivres leur étant vendus fort cher, on était ainsi maître d’eux pendant fort longtemps. Bien qu’il ne m’appartienne pas de faire l’exposé complet de la minéralogie du Yunan, — cette tâche est réservée à M. le docteur Joubert, — je ne puis abandonner ce sujet sans signaler encore les mines de zinc, d’étain et d’argent qui existent sur le plateau de Tong-tchouan, celles de fer, de cuivre rouge et de cuivre blanc (pe-tong) exploitées près de Hoéli-tcheou. Le pays est presque entièrement déboisé, mais les forêts ensevelies suppléent aux forêts détruites, et le charbon de terre, partout prodigué, se rencontre souvent près des mines, dont il décuple la valeur.

Puisque je décris en la traversant la partie de l’empire la plus féconde en richesses métallurgiques, je me trouve naturellement conduit à expliquer brièvement le système monétaire des Chinois. Civilisés et formant une société fortement constituée neuf cents ans après le déluge, ceux-ci étaient en possession déjà d’un signe généralement adopté qui représentait la valeur des choses et facilitait les échanges. C’est à Hoang-ti, un des six successeurs de Fo-hi[1], premier souverain de l’empire, que remonte l’honneur

  1. A partir de Fo-hi jusqu’à l’empereur Yao, la chronologie chinoise manque de certitude. Les savans reconnaissent qu’il a régné le premier sur ses compatriotes, mais ne s’accordent ni sur la date de son règne ni sur la durée de celui de ses successeurs. Ce n’est qu’à partir de Yao, 2357 avant Jésus-Christ, que commencent véritablement les annales, qui ont dès lors tous les caractères de l’authenticité et de l’exactitude historiques. — Voyez le père Duhalde.