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dans un rayon peu étendu, il existe des gisemens nombreux. A Sio, point situé sur la route directe de Yunan-sen, le fer est très abondant. A 16 kilomètres de la ville, on trouve de l’or. Les mines qui le renferment, abandonnées à l’industrie privée, sont exploitées par des misérables qui grelottent sur la montagne où ils ont établi leur campement ; ils creusent au hasard et extraient l’or de la roche en broyant celle-ci et en soumettant à un lavage la poussière produite par cette opération. — Ce travail paraît rapporter d’assez minces profits, et il n’est guère possible d’apprécier ce que pourrait tirer de ce gisement l’intelligence européenne. Pendant longtemps, les lois de l’empire ont interdit de rechercher et d’ouvrir les mines de métaux précieux, de peur que l’attrait d’une fortune rapide ne détournât le peuple des travaux agricoles. Le désir de préserver leurs sujets des atteintes de la fièvre de l’or fait honneur aux empereurs philosophes qui s’en sont inspirés. Cependant, aujourd’hui que la Chine est à la veille d’entrer dans le concert commercial du monde, on peut regretter que la plus grande partie de ses richesses métalliques soient encore inconnues, ou demeurent inutiles. Ainsi que leurs collègues ont toujours fait depuis notre entrée en Chine, les mandarins de Talan ne veulent pas nous laisser partir sans escorte. Nous longeons extérieurement l’enceinte de la ville ; les femmes étonnées suspendent, afin de nous regarder, les soins de leur toilette ; les gamins nous suivent de loin en poussant des cris, mais sans oser nous approcher. Nous n’avions pas encore dépassé la dernière maison de la ville que déjà nous étions dans la montagne. Sur le bord du chemin, une tête humaine proprement ajustée dans une cage en bois enrayait le vice en rassurant la vertu. La montagne aux mines d’or nous apparut dans le lointain, hautaine comme une parvenue fière de sa richesse et nue comme si elle dédaignait les vains ornemens. Un ruisseau qui en sort et que nous eûmes à traverser roule dans ses eaux des paillettes recueillies par les habitans du village où nous prenons quelque repos. Bien que nous soyons accoutumés à exercer pendant les haltes une certaine surveillance sur nos porteurs de bagage, un d’eux avait trouvé le moyen, en s’abritant derrière une natte, d’allumer sa pipe d’opium.

Quand on lui remit son fardeau sur l’épaule, il vacilla comme un homme ivre et refusa d’avancer. Les menaces le trouvaient indifférent, les coups le faisaient gémir, rien ne l’arrachait à son engourdissement. Je ne crois pas qu’il ait jamais existé dans le monde un fléau plus terrible que l’opium. L’alcool employé par les Européens pour détruire les sauvages, la peste qui ravage un pays, ne sauraient lui être comparés. Il exerce sur tous un attrait invincible ; le plus pauvre mendiant fumera avant de songer à manger, et, chose