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et de l’autre son fils Pantagruel né, il ne savait que dire ni que faire, ni s’il devait pleurer pour le deuil de sa femme ou rire pour la joie de son fils. »

On veut tout avoir. Les libéraux tentèrent d’énergiques efforts pour concilier les deux intérêts qui leur étaient chers. On leur accordait le suffrage universel, M. de Bismarck estimant que c’est un système qui en vaut un autre ; mais le projet excluait les fonctionnaires du parlement fédéral. Nous avons expliqué dans une précédente étude pourquoi, en Prusse, le gouvernement est favorable aux incompatibilités, pourquoi les libéraux les repoussent. L’éducation politique de la Prusse et d’une partie de l’Allemagne est trop incomplète encore pour qu’une chambre d’où les fonctionnaires seraient exclus possédât quelque autorité. C’est dans les services de l’état, dans l’ordre administratif, dans la judicature, que le parti libéral se recrute de quelques-uns de ses orateurs les plus éclairés et les plus indépendans. Sur ce point, M. de Bismarck céda ; mais il fut intraitable sur la question d’un traitement à allouer aux députés. Point d’indemnité, ce fut son premier et son dernier mot. Il semble pourtant que, dans les grands pays, défrayer et indemniser les représentans du peuple soit un corollaire indispensable du suffrage universel. C’est peut-être pour cette raison même que M. de Bismarck ne céda point. Il consent à coqueter avec la démocratie, mais cela ne va pas jusqu’au mariage, et, quand il lui fait des concessions, il a soin de lui demander des sûretés.

Deux points tenaient particulièrement au cœur des libéraux. Notre chère constitution prussienne, si défectueuse qu’elle soit, disaient-ils, renferme un article 44, qui porte que le pouvoir exécutif s’exerce par l’organe d’un ministère, et que ce ministère est responsable. C’est une garantie à laquelle nous ne pouvons renoncer. Dans votre projet, la responsabilité n’est nulle part ; du haut en bas, il ne s’y trouve pas un agent qui soit appelé à répondre de ses actions. Il est vrai que vous nous faites la grâce d’accepter un amendement proposé par nous, en vertu duquel le chancelier fédéral endosse la responsabilité de toutes les mesures décrétées par le président de la confédération. Concession insuffisante, responsabilité illusoire ! Qu’est-ce que le chancelier ? Le factotum de la confédération. Qui répond de tout ne répond de rien. Ajoutez à votre