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fédéral. Montons plus haut encore : la modestie des noms va croissant, utile modestie qui sert de voile aux ambitions et de réponse aux insinuations des jaloux. Le chef du Nordbund n’est point un empereur, il n’est qu’un président. Le général Grant peut le traiter de pair à compagnon. Un Américain célèbre porta naguère à Berlin un toast dans lequel il s’amusait à comparer les institutions de la confédération allemande et de la république étoilée. Ici comme là, le suffrage universel, une chambre des représentans, un sénat, un président : l’analogie était frappante. Quelques-uns de ses compatriotes lui demandèrent s’il avait voulu plaisanter, et à quelle fin ; il répondit à peu près : « Que voulez-vous ? cela leur fait plaisir, et cela ne nous fait point de mal. »

Président et généralissime du Bund, voilà les deux titres que confère au roi de Prusse la constitution fédérale, et cette double fonction lui assure, on le croira sans peine, des pouvoirs très effectifs et du plus vaste ressort. En sa qualité de généralissime, il a sous ses ordres, en temps de paix comme en temps de guerre, toutes les forces militaires de la confédération, équipées, armées, organisées et exercées à la prussienne, soumises à la législation prussienne, aux institutions et aux règlemens prussiens, au code pénal prussien, à la procédure prussienne, à toutes les dispositions prussiennes sur le recrutement, sur le temps de service, sur les fournitures, sur les logemens et le reste. Toutes les troupes fédérales prêtent serment d’obéissance absolue au roi de Prusse, qui les inspecte, fixe leur effectif, les répartit, les cantonne, les disloque à sa guise, règle les garnisons, nomme les commandans en chef de chaque contingent et les commandans de toutes les forteresses, ratifie la nomination de tous les généraux. Le généralissime a encore le droit de déclarer l’état de siège d’un bout à l’autre du territoire fédéral, et dans le cas où un des états serait en arrière de ses prestations militaires, il décrète contre lui, sans avoir à consulter le Bundesrath, cette exécution qui va jusqu’au séquestre, véritable mainmise pour défaut de foi et d’hommage. On voit que le généralissime a un bon nantissement et qu’il n’est pas à craindre que ses confédérés lui manquent jamais.

Comme président, les attributions du roi de Prusse ne sont pas moins étendues. Il promulgue les lois, en surveille l’exécution, convoque, proroge et clôture le Bundesrath comme le Reichstag. Il nomme de son autorité privée tous les employés fédéraux, les assermenté et les destitue. Apanage plus précieux encore, il représente seul la confédération dans ses relations internationales ; il déclare la guerre, fait la paix, conclut des alliances. La politique étrangère est tout entière dans ses mains, et dans ses mains seules ; elle est soustraite à l’assentiment, au contrôle et même à la connaissance du