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On assure qu’il est de l’essence d’une bonne constitution de séparer soigneusement les pouvoirs, en particulier le législatif et l’exécutif. La confusion systématique des pouvoirs est le trait distinctif de la constitution du Nordbund. Le Bundesrath est une chambre haute ; il est autre chose encore : il remplit l’office d’un conseil d’état chargé de préparer les lois et le budget. A cet effet, il forme dans son sein des commissions permanentes au nombre de sept, l’une pour l’armée et les forteresses, la seconde pour la marine, la troisième pour les douanes et les contributions, la quatrième pour le commerce, la cinquième pour les chemins de fer, les postes et les télégraphes, la sixième pour la justice, la septième pour la comptabilité. Elles sont toutes présidées par la Prusse, et les deux premières sont à sa nomination, parce qu’elles sont les plus importantes, et que tout ce qui touche à l’armée doit relever directement de la Prusse. Ces commissions élaborent les projets de loi, qui, une fois votés par le Bundesrath, sont présentés et défendus par lui dans le Reichstag. — Ainsi la haute chambre, qui est aussi un conseil d’état, possède le droit de parole dans la chambre élective ; elle y a ses entrées et son pied à terre. On voisine, mais il n’y a qu’un des voisins qui ait la faculté d’aller chez l’autre. Ce n’est pas tout. Le Bundesrath a quelque part aussi à l’administration et au pouvoir exécutif. Comme l’expliquait un jour M. de Bismarck, ses commissions permanentes sont de véritables ministères, qui ont le précieux avantage d’être irresponsables et en quelque sorte anonymes. Le conseil fédéral, à vrai dire, n’a le plus souvent qu’un simple droit consultatif ; la présidence lui demande son préavis ou lui présente, un rapport motivé de ses faits et gestes. En certains cas cependant, il a de graves décisions à prendre. Il peut décréter, par exemple, une exécution contre les états confédérés qui ne rempliraient pas leurs devoirs constitutionnels, et cette exécution peut aller jusqu’à la séquestration du territoire et de son gouvernement.

Ne nous arrêtons pas trop aux bagatelles de la porte. Le Bundesrath est une assemblée ou un conseil très occupé. Les commissaires qui le composent sont des premiers commis, très actifs, hommes de confiance, qui ont procuration pour régler d’eux-mêmes certaines affaires courantes ; mais la grande maison de commerce, qui les emploie a son patron, son chef, qui a la haute main sur tout et de qui en réalité tout procède. Comment se nomme ce chef ? C’est ici qu’on peut voir que les souverains de la Prusse dédaignent les apparences et vont droit au solide. La chambre élective porte le nom pompeux de Reichstag ou chambre impériale. Il faut laisser les titres à ceux qui n’ont point la rente, hochets dorés dont s’amuse leur impuissance. La chambre haute s’appelle simplement conseil