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circulent le long des Linden. Le Berlinois est gausseur. Tout ce qu’on peut affirmer, c’est que les délibérations des plénipotentiaires furent troublées par quelques débats tempétueux, par quelques scènes un peu vives, qui firent jaser la rue et les salons. Cependant, dès le 17 janvier, la Correspondance provinciale annonçait que la conférence laissait de plus en plus entrevoir un heureux dénoûment. Les plénipotentiaires commençaient à reconnaître qu’on ne leur demandait rien que de raisonnable. Sans doute, ajoutait l’officieux journal, les petits états auraient à souffrir, la transition serait épineuse, difficile ; mais le gouvernement prussien s’emploierait de son mieux pour l’adoucir. Le 9 février, les plénipotentiaires apposaient tous leur signature au projet de constitution, et le 24 du même mois le roi Guillaume, ouvrant avec éclat la session du parlement fédéral, chargé d’examiner et de ratifier le projet, déclarait avec cette bonhomie sincère, charmante et prussienne dont il a le secret, qu’il tenait à remercier ses hauts confédérés pour la bonne grâce qu’ils avaient mise à se sacrifier aux intérêts de la commune patrie. « Je les remercie, dit-il, dans la pensée que je n’aurais pas mis moins d’empressement à me sacrifier moi-même, si la Providence ne m’avait placé à la tête du plus puissant des états confédérés, de celui qu’elle appelle à conduire les autres. » On ne pouvait mieux penser ni mieux dire.

Au reste, licence avait été donnée aux vingt et un petits états de consigner dans le protocole final de la conférence leurs observations, l’expression de leurs doléances et de leurs regrets. Cet appendice au projet de constitution est une pièce curieuse, une lecture pleine de mélancolie. Que de plaintes modestes et humblement formulées ! que de douleurs contenues ! que de soupirs mal étouffés ! On croirait entendre les gémissemens confus de ces âmes désolées que Dante rencontra dans les cercles du purgatoire. Toujours digne et réservée, la Saxe royale rappelait qu’elle avait protesté contre plusieurs dispositions du projet ; ses représentations n’ayant point été écoutées, elle s’abstenait de les répéter. Les deux Mecklembourgs, quoique délivrés du fantôme des droits de l’homme, laissaient voir des inquiétudes ; ils exprimaient le vœu que les règlemens militaires permissent à leurs soldats de concilier l’obéissance qu’ils devaient au roi de Prusse avec le serment de fidélité qui les liait à leurs princes : question d’arrangement, de rédaction ; ce n’était pas une affaire. Saxe-Meiningen, longtemps récalcitrante, et qui avait des péchés, à se faire pardonner, se bornait à se plaindre qu’on n’eût pas réussi à lui épargner les charges qu’allait faire peser sur elle sa quote-part dans la création, d’une marine, dont elle ne sentait pas très bien l’utilité pour elle-même, attendu qu’elle