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à une confédération et qui en différât beaucoup, quelque chose qui eût l’air d’une Allemagne en raccourci et qui ne fût qu’une Prusse agrandie, une constitution qui, vue de loin, eût je ne sais quel air libéral et démocratique, et, vue de près, fût tout le contraire, la besogne n’était pas mince ; elle exigeait une connaissance approfondie de la perspective linéaire et aérienne appliquée à la politique et de tous les secrets de l’optique de théâtre. Le publiciste dit vrai, on ne trouve rien à comparer à ce chef-d’œuvre ; ni les États-Unis, ni la Suisse n’offrent rien de pareil ; la ligue achéenne en approche aussi peu que la Maison carrée d’une pyramide d’Égypte.


II

Quelle que fût la confiance de M. de Bismarck dans le suffrage universel et bien qu’il se crût de force à jouer de cet instrument comme les grands maîtres de l’art, il n’entendait point laisser à une assemblée représentative le soin de donner une constitution au Nordbund. — Les constituantes sont des assemblées dangereuses. Elles ont le champ libre et carte blanche ; les espaces leur sont ouverts ; il peut leur venir des fantaisies, et, une fois en route, il est difficile de les enrayer. Si l’on eût convoqué en 1866 un parlement constituant, qui sait quelles motions subversives en seraient sorties, à quoi se seraient attaquées ses ardentes témérités ? Peut-être se fût-il souvenu du parlement révolutionnaire de Francfort et eût-il essayé de recommencer 1848. M. de Bismarck entendait faire lui-même sa constitution, non toutefois sans en donner avis aux gouvernemens confédérés, non sans daigner les interroger ; il lui en coûtait peu, il avait prévu leurs réponses, et ses répliques étaient prêtes. Le projet lestement bâclé, il se proposait de le soumettre à une assemblée nationale nommée par le suffrage universel en lui disant : « Dieu nous garde d’exagérer le mérite de notre constitution ; mais nous pouvons vous certifier qu’il est impossible de rien changer. Sir ut est aul non sit ! Messieurs du suffrage universel, c’est à prendre ou à laisser. » Tel était le rôle que M. de Bismarck destinait à ce qu’on appelle le Reichstag constituant de la confédération du nord, et les choses se sont passées, il ne s’en faut guère, comme il l’avait prévu et décidé.

Dès le 16 juin 1866, à l’ouverture de la campagne, la Prusse avait adressé des notes identiques à tous les petits états du nord de l’Allemagne, les deux Mecklembourgs, les quatre petites Saxes, Oldenbourg, Brunswick, Anhalt, les deux Schwarzbourgs, Waldeck, les deux Reuss, les deux Lippes, les trois villes hanséatiques. La