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Bavarois ces intrépides optimistes du nord. Ferez-vous éternellement bande à part ? Venez à nous ; c’est le dieu de la nouvelle Allemagne qui vous y convie, dieu tutélaire et libéral qui nous comble de ses dons. Il nous tarde de partager avec vous nos félicités. N’est-ce donc rien que de faire partie d’un grand empire que la France contemple d’un œil jaloux et qui désormais, si vous vous y prêtez, fera partout la pluie et le beau temps ? Est-ce peu de chose que d’avoir une grande patrie, une grande armée, une grande marine, un grand budget et surtout on grand chancelier dont tout l’univers s’occupe, dont l’Europe envoie prendre chaque matin les nouvelles ? Ce chancelier est à nous tous, à Schwarzbourg-Rudolstadt aussi bien qu’à Schwarzbourg-Sondershausen, sa gloire est un bien commun. Nous voilà devenus des personnages, des puissances ; l’étranger en crève de dépit. Et si vous saviez comme on vit à son aise chez nous ! Nous ne faisons tous qu’une famille ; nous cousinons avec Berlin ; plus de barrières ni de barricades. Grâce à l’indigénat commun, à l’absolue liberté d’établissement que nous avons proclamée, nous allons les uns chez les autres sans difficultés, sans façons, et jusque dans l’extrême Orient nos consuls, qui sont devenus de grands consuls, protègent au nom de la Prusse et de Sadowa les intérêts du plus petit Lippois d’entre nous. Quels encouragemens, quelles facilités pour notre industrie, pour notre commerce ! Quel présent, quel avenir ! »

Il existe deux sortes de confédérations, celles qui sont réellement des confédérations et celles qui sont purement nominales. On peut affirmer, sans trop s’avancer, que la confédération de l’Allemagne du nord appartient à la seconde espèce. Comment en serait-il autrement ? Toute confédération digne de ce nom suppose entre les états dont elle est formée un.certain équilibre de forces qui sauvegarde l’égalité des droits. Une agrégation politique composée d’une puissance de premier ordre et de très petites puissances est nécessairement une société. léonine, dans laquelle il y a un maître et des vassaux. Le Nordbund comprend vingt-deux états et 30 millions d’âmes. Si la Prusse ne s’était agrandie, son apport social eût été de 20 millions d’âmes sur 30. Grâce à l’annexion préalable du Hanovre, de la Hesse-Électorale, de Nassau, de Francfort, du Slesvig-Holstein, plus de 24 millions de Prussiens se trouvent en présence de moins de 6 millions d’Allemands du nord non prussiens. On ne saurait avoir trop de prudence. Gouverner ne suffit pas, il importe que le gouvernement soit facile. Par ses annexions, la Prusse se mettait en quelque sorte hors de pair. Saxons de l’Elbe et de la Thuringe, Brunswickois et les autres, elle avait tout ce monde à sa discrétion ; elle les tenait tous dans sa main, matière ductile et malléable qu’elle allait façonner à son gré ;