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communautés s’affirment, et leur alliance se fortifie. On trouve toujours à leur tête les hommes qui ont contracté le pacte de 1291. Cependant Albert est assassiné en 1308, et le trône d’Allemagne échappe encore à la maison de Habsbourgs ; Henri de Luxembourg est nommé roi des Romains. Que deviendront les états forestiers ? Henri VII s’engage d’abord à maintenir et à soutenir les Habsbourgs dans tous leurs droits, mais se refroidit bientôt à l’égard de cette famille trop puissante ; les trois vallées, sans perdre de temps, exploitent ces dispositions du souverain. Elles veulent être désormais non-seulement replacées directement sous l’aile de l’empire, mais encore soustraites à tout tribunal séculier siégeant hors de leurs vallées, c’est-à-dire dans les comtés de Zurich et de l’Aar. En d’autres termes, elles demandent non-seulement la sanction de leurs libertés, mais encore leur complet affranchissement de l’Autriche. Henri VII fait droit à la requête, et cette fois les franchises de Schwyz et d’Uri sont étendues aux deux vallées d’Unterwalden. Les Habsbourgs protestent d’abord et se préparent à la lutte, puis bientôt, mieux avisés, se réconcilient avec l’empereur, qui s’engage derechef à les maintenir et à les soutenir dans tous leurs droits. Voici donc en présence deux engagemens, deux diplômes de l’empereur, celui de Constance, qui favorise les états forestiers, et celui de Spire, qui protège les Habsbourgs. Lequel des deux est le bon ? Le premier sera-t-il anéanti par l’autre ? — Non, cent fois non, répondent les états forestiers (déjà réunis dans les chartes sous le nom commun de Waldstätten et gouvernés tous trois par un seul bailli impérial). À ce moment, leur situation est excellente : ils protègent la navigation du lac, ils commandent la route du Saint-Gothard, entretiennent des rapports amicaux avec Lucerne et Zurich ; Uri, le canton placide, ménage encore « ses bons amis » les ducs d’Autriche ; mais Schwyz, plus fougueux, marche devant, aime les bagarres, maltraite les moines, se fait excommunier par son évêque et en appelle au saint-père, entrant ainsi en rapports directs avec « ces deux moitiés de Dieu, » le pape et l’empereur. Unterwalden suit les autres.

En face de ces peuples unis, serrés, habiles, opiniâtres, qui tiraient parti de tout, que pouvait l’Autriche ? Ils ne lui permettaient pas même de dresser chez eux un terrier, c’est-à-dire un inventaire de ses biens. Les Habsbourgs se plaignirent à l’empereur ; puis, les plaintes ne servant de rien, ils firent mieux, ils tâchèrent de gagner le souverain par des services. Un des leurs, le duc Léopold, suivit Henri VII à la guerre et s’y comporta si bien qu’au printemps de 1311, pendant le siège de Brescia, il crut pouvoir revendiquer dans une requête formelle les droits et les biens de sa famille, « soit en Alsace, soit à Schwyz, soit à Uri, y compris les hommes libres