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de grade inférieur : reconnaissances, marches, patrouilles, piquets, service des avant-postes ; il reçoit une connaissance théorique de tous les exercices de l’infanterie, de la cavalerie et des armes savantes, et quand il a obtenu, au bout de dix mois d’efforts et d’application, le premier grade de gefreiter, c’est-à-dire de premier soldat, il est admis à passer un examen après lequel il peut recevoir une commission d’officier dans la landwehr. À proprement parler, c’est l’élite de la nation qui est ainsi conviée à venir occuper le rang auquel la naissance, la fortune, l’éducation, peuvent donner droit. L’armée y gagne autant que la société civile.

En 1868, il est entré dans l’armée fédérale 4,587 volontaires d’un an, soit 36 pour 100 de plus qu’avant les événemens de 1866 et l’extension de l’hégémonie prussienne. Il en est entré 3,508 dans l’infanterie, 417 dans la cavalerie, 662 dans l’artillerie, le génie et le train des équipages. On comptait parmi eux 2,360 industriels ou artistes, 1,012 cultivateurs, propriétaires ou fermiers, 720 étudians et 222 employés. Si on calcule le nombre d’individus ayant satisfait par cette voie exceptionnelle aux obligations stipulées dans l’article 57 de la constitution fédérale, on trouve que dans son ensemble, c’est-à-dire en y comprenant la réserve et la landwehr, l’armée de l’Allemagne du nord en compte aujourd’hui de 30 à 32,000, dont 43 pour 100 ont obtenu le rang d’officier en quittant les drapeaux. Ces chiffres ont une grande signification et démontrent la facilité avec laquelle la société civile, telle qu’elle est organisée en Prusse, peut s’imprégner des vertus de l’esprit militaire sans rien perdre de sa puissance de travail et d’activité.

Qui voudrait nier les heureux effets que produirait l’introduction en France de cette institution des volontaires d’un an ? Serait-elle contraire à nos mœurs ? Ne serait-il pas facile d’y habituer notre société ? En Prusse, elle est le correctif nécessaire du principe absolu du service obligatoire ; en France, elle pourrait facilement devenir le correctif de la faculté de remplacement autorisée par notre législation militaire. En outre, chaque année, l’état est assiégé de demandes d’admission aux emplois publics. Croit-on qu’il ne serait pas mieux secondé dans les différens services administratifs, s’il réservait ses faveurs aux jeunes gens qui justifieraient d’une année passée sous les drapeaux, c’est-à-dire qui fourniraient la preuve irrécusable que, pour entrer plus dignement dans la vie, ils ont commencé par recevoir les sévères leçons de l’obéissance et de la discipline. Les Français ont un chevaleresque sentiment d’honneur qui a résisté à toutes leurs secousses sociales. Croit-on qu’il y aurait à craindre l’abstention des classes les plus aisées et les plus instruites ? Avant peu d’années, les jeunes gens désireux d’occuper