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Il porta aussi son attention sur les besoins publics. Il ouvrit un nouveau forum, qui fut achevé par Nerva, et s’appela le forum transitorium. C’est celui dont on voit encore un pan de mur avec deux colonnes et un entablement sur lequel Minerve enseigne aux femmes les travaux et les arts réservés à leur sexe. Un stade, un odéon, une naumachie, et surtout l’achèvement du Colisée, que Titus s’était hâté d’inaugurer avant qu’il fût complet, prouvaient sa sollicitude et son zèle pour les plaisirs du peuple. Les jeux et les spectacles mentionnés par les historiens en sont une preuve non moins manifeste ; mais ils n’offrent que peu d’intérêt à la postérité : c’était l’apanage inséparable de l’empire.

Enfin Domitien montra combien il avait le sentiment de la représentation propre au chef d’un gouvernement en faisant le premier construire sur le Palatin un palais public, œdes publicœ. Avant lui, chaque empereur avait eu sa demeure privée, simple ou fastueuse selon ses goûts. L’on connaît aujourd’hui la maison d’Auguste, celle de Tibère récemment découverte, avec ses beaux stucs et ses peintures qui surpassent les peintures de Pompéi, celle de Caligula, celle de Néron, qui a été retrouvée sous les bains de Titus. Aucun empereur n’avait songé à un véritable palais. Les fouilles dirigées avec tant de méthode et de scrupules par M. Rosa ont remis au jour le plan entier du palais de Domitien. Le rez-de-chaussée seul peut être recomposé par la science. Tout y est destiné aux usages publics et aux cérémonies officielles. Un escalier part de la place qui sépare le palais du temple de Jupiter Stator ; deux portiques donnent accès, l’un à la basilique, l’autre à la salle du trône, et communiquent entre eux. Dans la basilique, l’empereur rendait la justice lorsque les causes avaient été évoquées devant lui par appel ou par exception. Dans la salle du trône, il recevait les ambassadeurs et les corps de l’état. Le fond de la salle se termine par un demi-cercle et une demi-coupole, et l’on voit sur le sol les marbres vantés par les poètes du temps, marbres de Libye, de Phrygie, de Laconie, marbres de Syène, de Chio, de Luni. C’était là qu’était le trône. Un immense péristyle, qui peut contenir plus de mille personnes debout, occupe l’intérieur ; là attendait et se pressait la foule des courtisans. Des bases et des chapiteaux de colonnes ont été recueillis ou sont en place sur les dalles de marbre blanc. La salle de festin est aussi d’une si belle proportion, qu’elle ne pouvait servir qu’à ces festins publics dans lesquels Domitien donnait l’exemple de la sobriété. Comme les rangées de tables et de lits étaient adossées et forçaient les convives à regarder de deux côtés différens, on avait ménagé de chaque côté de la salle une nymphée, c’est-à-dire une petite cour communiquant par d’immenses fenêtres et ornée d’un bassin, de jets d’eau, de statues, de vasques pleines de fleurs ; les