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De retour à Bassora, celui-ci remonta l’Euphrate, emmenant avec lui les dépêches de l’Inde ; mais aux marais de New-Lamlum les eaux étaient si basses, qu’au milieu des canaux le bâtiment n’obéissait plus au gouvernail ; on essaya de le faire remorquer par des Arabes, puis d’employer des cordes et des pour les pour le faire avancer, une machine étant venue à se déranger, il fallut renoncer à aller plus loin et revenir à Bassora pour attendre le terme de l’expédition, qui avait été Fixé au 31 janvier 1837. Deux officiers et deux passagers continuèrent seuls leur route avec la malle.

Le laps de temps qui restait fut employé par le colonel à se rendre à Bombay, où il fut reçu comme il méritait de l’être ; une épée d’honneur lui fut votée, et l’on fit une souscription publique pour les parens des victimes de la catastrophe du Tigre. Le capitaine Estcourt, qui avait pris le commandement de l’Euphrate en l’absence du colonel, leva les cours du Karun et du Baha-Mishir, puis remonta le Tigre jusqu’à Bagdad, où il remit le bâtiment entre les mains du résident. Accompagné des matelots, il traversa le désert, et vint s’embarquer à Beyrouth pour l’Angleterre. M. Chesney y arriva lui-même le 8 août 1837, après avoir traversé le désert d’Arabie, deux ans et demi après son départ. L’expédition avait coûté 29,637 liv. sterling 10 shîll. 3 den. 1/4, soit environ 741,000 francs, somme bien peu importante en présence des résultats acquis.


III

Un entreprenant ces expéditions, le colonel Chesney avait voulu, comme nous l’avons dît, s’assurer qu’il était possible d’établir un service régulier de bateaux à vapeur sur l’Euphrate ; il avait levé le cours du fleuve dans toute sa longueur et reconnu qu’il est navigable au moins depuis Balis, en face d’Alep, jusque la mer. Il est vrai qu’à l’époque de la fonte des neiges dans les montagnes du Taurus, le cours en est torrentueux, que pendant la saison sèche le lit présente parfois des bas-fonds, que sur certains points on rencontre des rapides et des rochers à fleur d’eau ; mais ce sont là des obstacles qu’on pourrait surmonter en employant des bateaux dont le tirant d’eau n’excéderait pas 3 pieds 1/2, et en exécutant quelques travaux qu’aurait justifiés pour le gouvernement anglais l’immense avantage de l’ouverture d’une route plus directe vers l’Inde.

Mais l’opinion, qui un moment s’était intéressée au récit des expéditions du colonel, en fut malheureusement bientôt détournée par d’autres préoccupations, et, bien que depuis lors la reconnaissance des pays à traverser eût été complétée par de nombreux voyageurs, aucune suite ne fut donnée à ses projets. Toutefois M. Chesney