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que celle qu’il avait exécutée seul. Il s’agissait en effet d’amener BUT la côte de Syrie tout le matériel de deux bateaux à vapeur avec leurs chaudières, leurs machines, leurs approvisionnemens, — de transporter ce matériel par terre jusqu’aux bords de l’Euphrate, c’est-à-dire de lui faire franchir environ 140 milles ou 225 kilomètres, — de reconstruire sur place les deux bateaux et de faire, avec un équipage choisi et des hommes spéciaux, la reconnaissance complète du cours du fleuve et des côtes maritimes. L’entreprise était hardie ; mais l’énergie du colonel et de ses officiers fut à la hauteur de cette tâche, et leur permit de triompher d’obstacles qui, par bien d’autres, eussent été considérés comme insurmontables. Tout le matériel des bateaux à vapeur, qui devaient porter les noms de l’Euphrate et du Tigre, fut embarqué à bord du George Canning avec des canons, des armes diverses, des instrumens astronomiques, des marchandises destinées à faire des échanges, des wagons pour le transport par terre, des provisions de toute espèce. Des officiers, pris dans la marine et dans différentes armes, furent attachés à l’expédition à divers titres ; ce furent MM. Estcourt, Lynch, Fitz-James, Cleaveland, Charlewood, Ainsworth, etc. On leur adjoignit des artilleurs habitués au maniement des outils, afin de pouvoir monter et démonter les machines et les réparer au besoin. Entre autres instructions, l’expédition devait éviter les conflits avec les populations et bien se garder de prendre part aux querelles intestines. Elle devait conserver son caractère pacifique, et chercher à nouer des relations commerciales avec les indigènes.

Le George Canning mit à la voile le 10 février 1835 ; à Malte, il se procura des bateaux de débarquement, enrôla quelques Maltais, et se fit remorquer par un bâtiment à vapeur, la Colombine, jusqu’à l’embouchure de l’Oronte. D’un coup d’œil jeté sur le rivage, à une certaine distance en mer, on embrasse une baie de 7 milles de large entourée d’une chaîne de montagnes élevées. Au sud, un mur de rochers sort de la mer, et s’élève à pic au-dessous des flancs boisés du mont Cassius ; vers l’est se dirige la belle vallée de l’Oronte, que ferment les collines des environs d’Antioche ; au nord apparaissent Bin-Kilisch (les mille églises) et les ruines du couvent de saint Siméon Stylite, au milieu de myrtes et d’arbustes divers. Plus loin, et formant la corne opposée de la baie d’Antioche, le Jebel-Musa, belle montagne boisée, et les excavations de Séleucie terminent ce magnifique panorama.

A son arrivée, l’expédition fut informée que Méhémet-Ali, vice-roi d’Égypte, dans les possessions duquel la Syrie se trouvait alors englobée, avait donné l’ordre aux autorités de s’opposer au débarquement, quoique le gouvernement turc eût formellement promis son concours. Ce mauvais vouloir, auquel on était loin de s’attendre