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LA GUERRE DU PARAGUAY.

à Rosario, sur le Paraguay, où tout son monde était réuni le 11 septembre. Il espérait recevoir en peu de temps les ravitaillemens nécessaires ; mais bien qu’il eût réduit au minimum l’effectif de la colonne légère qu’il voulait emmener avec lui dans cette nouvelle expédition, il ne put être prêt que le 8 octobre. De Rosario, son point de départ, à San-Estanislao, qui était devenu son objectif, la distance en ligne directe n’est pas de plus de 70 kilomètres, et pour le pays le chemin est facile ; aussi put-on y arriver le 14. Lopez n’avait pas attendu ; il était parti le 7 et s’était retiré à une cinquantaine de kilomètres plus loin dans le nord-est et dans les montagnes, à Curuguaty, détruisant tout et enlevant les troupeaux sur son passage. On prétend qu’avant son départ de San-Estanislao il ordonna de nouvelles exécutions, et que son autre frère, Venancio Lopez, fut cette fois au nombre des victimes.

Le comte d’Eu repart de San-Estanislao le 16 octobre, et il pousse jusqu’à Capivira ; mais là le pays devient presque impraticable : on ne rencontre plus que des forêts vierges et désertes qui n’offrent aucune ressource ni pour les hommes ni pour les chevaux. Heureusement le 20 arrive un convoi qui permet d’assurer une demi-ration par homme pendant quelques jours. La joie est dans le camp. Le comte d’Eu se détermine à ne plus agir que par petits détachemens qui occupent un plus grand espace de terrain, qui sont aussi plus faciles à ravitailler. L’un de ces détachemens, commandé par le colonel Fidelis da Silva, est dirigé sur Curuguaty, où il réussit à surprendre, dans la journée du 26 octobre, le camp de Lopez, qu’il met en déroute ; Lopez lui-même échappe encore. Après ce succès, il faut rentrer au camp de Capivira pour se refaire et prendre des vivres ; mais ils sont très rares, et pour surcroît d’embarras on a reçu 3,000 personnes de tout âge et de tout sexe, arrivées dans le plus triste état de dénûment, qui fuient la tyrannie de Lopez et demandent protection contre lui. Les mouvemens sont nécessairement suspendus par suite de ces circonstances, et c’est seulement vers la fin de novembre que le colonel Fidelis da Silva peut se remettre à la poursuite de Lopez, qui s’est transporté à Igatimy, à une cinquantaine de kilomètres dans le nord de Curuguaty. Enfin le 28 novembre la cavalerie brésilienne livre le dernier combat de la campagne aux derniers débris de l’armée de Lopez, qui réussit toujours à échapper, et s’enfonce dans des forêts où il semble qu’il n’y a plus intérêt à le poursuivre. Igatimy, situé en ligne directe à mie cinquantaine de lieues de Valenzuela, du point où avait commencé cette longue série de combats, est en effet le dernier village, le dernier lieu habité que possède le Paraguay du côté du nord. Au-delà commencent les territoires contestés entre le Brésil et le