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LA GUERRE DU PARAGUAY.

situé dans la plus belle partie de la zone tempérée, que l’autre se trouve enclavé, pour les deux tiers de sa superficie, sous la zone torride, — que l’un par conséquent se prête beaucoup plus facilement que l’autre aux entreprises de la race blanche, et d’autant mieux qu’il est presque exclusivement occupé par une seule race. L’Amérique du Sud au contraire se partage entre des peuples divers d’origine et très disposés à se tenir en échec jusqu’au jour où la force, sinon la raison, ayant enfin prononcé, ils devront s’entendre pour reconnaître et accepter un droit international, un ordre politique dont leurs prédécesseurs leur ont à peine légué les premiers principes.

Malgré de telles dissemblances, ces deux bassins offrent cependant, surtout au point de vue des dispositions topographiques, des analogies très saisissantes. Ainsi ils sont tous deux limités au nord par deux grandes vallées, ici celle des lacs de l’Amérique du Nord et du Saint-Laurent, là celle de l’Amazone, l’Amazone et le Saint-Laurent coulant tous les deux dans le même sens de l’ouest à l’est pour se jeter l’un et l’autre dans l’Atlantique. De même, dans les deux parties du continent, les côtes orientale et occidentale sont dessinées par des chaînes de montagnes qui approchent très près des rivages. Du côté de la mer, ces montagnes, à l’est comme à l’ouest, présentent uniformément des pentes rapides dont le maximum d’élévation se trouve presque sur les bords des deux océans, tandis qu’elles s’abaissent vers le continent par degrés beaucoup plus ménagés, de telle sorte que toutes les sources auxquelles elles donnent naissance et toutes les eaux qui tombent du ciel sont forcément déversées vers l’intérieur. Cela est vrai dans l’Amérique du Nord comme dans l’Amérique du Sud. Il y a plus, presque tous les cours d’eau qui appartiennent à l’un comme à l’autre bassin ne se dirigent pas seulement vers l’intérieur, mais encore ils s’infléchissent plus ou moins symétriquement vers le sud pour aller chercher vers le milieu du bassin quelque grande artère, quelque grand collecteur qui porte dans la même direction (le sud-est) le tribut de leurs flots : dans le bassin du nord le Mississipi, dans le bassin du sud les fleuves puissans dont les embouchures se confondent dans le grand estuaire de la Plata.

Ces données générales, qu’il faut avoir toujours présentes à l’esprit quand on veut se rendre compte de la plupart des crises qu’a traversées la politique américaine, expliquent aussi la condition particulière du Paraguay par rapport à ses voisins. Il forme l’unique passage que de longtemps encore la république argentine et celle de l’Uruguay pourront emprunter pour le développement de leurs relations avec l’intérieur du continent ; c’est presque la seule route que le Brésil puisse suivre pour établir des rapports entre ses provinces