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LA GUERRE DU PARAGUAY.

une forte proportion de Guaranis, frères des habitans du Paraguay,

Quoi qu’il en soit, les événemens vinrent montrer dès le début combien étaient vaines les conceptions militaires sur lesquelles le maréchal Lopez avait échafaudé son plan d’opérations et ses rêves d’agrandissement. Dans toute guerre, quiconque veut faire des conquêtes doit prendre l’offensive et occuper le territoire de ses adversaires. Or, dès qu’il essaya de mettre ses troupes en mouvement, le maréchal Lopez découvrit bien vite que, n’ayant pas songé à se pourvoir d’une marine capable de faire la guerre sur les fleuves, il était par le fait bloqué chez lui, et sans qu’il en coûtât de grands efforts à ses ennemis. Une escadrille de quelques bâtimens légers, aidée par les circonstances topographiques, y suffit largement. Quant aux expéditions que, pour obéir à la logique de sa situation, il commença par lancer sur la province de Matto-Grosso et ensuite sur l’état de Corrientès, elles furent rapidement détruites par l’ennemi ou réduites à l’impuissance par le seul fait des circonstances locales. La première, qui envahissait un territoire sur lequel le maréchal Lopez, il l’a dit dans des pièces rendues publiques, prétendait que le Brésil organisait une armée pour la conquête du Paraguay, ne rencontra qu’un détachement de 400 hommes qui, après avoir repoussé dans leur poste de Coïmbra une première attaque des Paraguayens, s’empressèrent de profiter de la nuit et de deux petits bateaux à vapeur qu’ils avaient à leur disposition pour se mettre en sûreté, bien au loin sur le Haut-Paraguay. Du reste, ils ne laissaient derrière eux qu’un pays à peu près désert et livré à l’état de nature que les Paraguayens finirent par évacuer d’eux-mêmes, faute d’y pouvoir vivre. L’autre expédition ne fut pas moins stérile en résultats, quoiqu’elle fût organisée sur une échelle beaucoup plus importante. Cette fois ce fut une véritable armée que le maréchal Lopez, entrant en guerre contre la république argentine, dirigea sur l’état de Corrientès. Il donnait pour raison de sa conduite et il alléguait comme griefs d’abord les injures que lui adressait la presse de Buenos-Ayres, puis le recrutement qui se faisait, disait-il, dans cette capitale pour le compte du Brésil, et enfin le refus que le gouvernement argentin, désireux de garder la neutralité entre les belligérans, venait de lui signifier, comme au Brésil, de le laisser passer sur son territoire. Cette armée était forte d’environ 40, 000 hommes, sous les ordres du général Roblès. L’avant-garde entra dans la ville de Corrientès le vendredi saint 14 avril 1865. Elle se présentait en amie, appelant ses frères les Correntinos aux armes, promettant de les débarrasser du joug de Buenos-Ayres, s’engageant à payer tout ce qu’elle consommerait, et proclamant enfin un gouvernement provisoire ; puis elle attendit, comptant sur l’effet que ces promesses allaient produire et sur le résultat