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toutes les ressources du budget de la guerre, nous traitons nos soldats convalescens.


« En temps ordinaire, les militaires qui, obtenant un congé de convalescence, sortent des hôpitaux pour se rendre dans leurs familles, souvent à grande distance, n’ont que les vêtemens qui leur suffisaient en bonne santé. Trop légèrement vêtus et obligés de voyager par tous les temps, ces hommes convalescens, épuisés par la maladie, ou souvent atteints d’affections de poitrine, sont plus sensibles au froid, et ils auraient besoin d’un vêtement supplémentaire ou d’une couverture, d’une paire de chaussettes de laine pour les aider à supporter les rigueurs du wagon de troisième classe.

« Si les dispositions réglementaires, qui sont d’ailleurs motivées, permettent aux sous-officiers et soldats qui se rendent chaque année à nos établissemens thermaux d’emporter leur manteau ou leur capote, il n’en est pas de même des militaires qui se rendent isolément dans leurs foyers avec un congé de convalescence, ni de ceux qui rejoignent leurs corps[1]. »


Quoique je n’aie donné qu’une idée incomplète de tout ce qui se fait aux États-Unis pour le bien-être et la conservation du soldat, j’en ai dit assez, j’espère, pour qu’on n’accuse pas d’exagération les écrivains qui, comme le docteur Evans, dans son intéressant travail sur la commission sanitaire, assurent que le système américain a sauvé la vie à plus de cent mille hommes. Ce n’est pas tout. La guerre des États-Unis a enfanté un esprit nouveau qui, selon moi, doit se répandre chez tous les peuples. On parle beaucoup du patriotisme français. Certes je ne connais rien de plus admirable que le courage de nos soldats devant l’ennemi, leur résignation devant la mort ; mais quand le soldat se dévoue, le pays pour lequel il combat n’a-t-il rien à faire ? En Crimée, en Italie, je vois bien l’héroïsme de nos armées ; mais la patrie, où est-elle ? Qui la représente au lit du blessé ou du mourant ?

En Amérique au contraire, on proclame dès le premier jour, en langage biblique, que le peuple tout entier regarde le soldat comme l’os de ses os et la chair de sa chair. On veut qu’à chaque instant, en campagne ou à l’hôpital, il sente que l’amour de ses concitoyens l’entoure et le protège. La patrie veille sur lui, invisible et présente. De là le caractère nouveau de ces armées républicaines. Un million d’hommes ont combattu pendant quatre années, l’esprit soldatesque n’a jamais paru dans un seul régiment : aussi jamais le monde n’a-t-il vu un spectacle comparable à celui de la dissolution

  1. Rapport au Conseil de santé, p. 726.