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raison à M. Henri Bellows et à ses amis. La loi rendue, la commission ne se tint pas pour satisfaite. En France, nous nous imaginons trop souvent qu’une réforme est accomplie parce qu’on a mis en articles et inséré au Bulletin des Lois le programme que nous défendons, Les Américains et les Anglais ne croient à l’efficacité d’une mesure que lorsqu’ils en ont confié l’exécution, à l’homme le plus capable. The right man in the right place est leur devise. C’est ainsi, par exemple, que les Anglais chargèrent de la réforme postale un simple employé, M. Rowland Hill, qui le premier avait eu l’idée du tarif unique. La commission sanitaire s’inspira du même esprit. En dépit de tous les obstacles, au mépris de tous les préjugés, elle proposa et fit nommer chirurgien en chef, avec rang de général de brigade, un simple chirurgien-major qui n’avait d’autre titre que sa capacité et son énergie, le docteur William a Hammond. Ce fut lui qui organisa le nouveau service militaire avec un talent et une fermeté qu’on ne peut contester.

Il fallut d’abord constituer le personnel médical, ce qui n’était pas aisé dans un pays qui n’avait que des médecins civils. Plusieurs fois on fut obligé de procéder à de larges épurations ; mais peu à peu on en arriva à organiser un corps de médecins et de chirurgiens qui suffit à tous les besoins. L’armée américaine, qui ne dépassa guère 800,000 hommes, eut 6,057 médecins pour le service de ses ambulances et de ses hôpitaux ; ce chiffre de 6,000 médecins est bon à noter. En 1794, la république française, avec des armées à peu près aussi nombreuses que celles de l’Union, eut un corps de santé composé de 8,000 médecins de tout grade[1]. Aujourd’hui la France dispose d’un peu plus de 1,000 médecins et chirurgiens militaires. Nous avons vu qu’en Italie, dès le premier jour, il avait fallu requérir des secours étrangers. Vienne la guerre, viennent ces armées de 1,200,000 hommes dont on nous menace, qui donc soignera nos soldats ?

Les ambulances américaines furent réorganisées sur le modèle anglais, et mises sous la direction d’un chirurgien. Avec un matériel suffisant et un personnel mieux préparé, on parvint à éviter le triste désordre des premiers temps. Depuis la bataille de Fredericksburg, en décembre 1862, on ne vit plus de blessés abandonnés des jours entiers sur le champ de bataille. Il est vrai de dire que la commission sanitaire, partout présente, avait aussi ses infirmiers (field relief corps), qui aidaient à relever les blessés et à leur donner les premiers secours. Plus d’une fois ce corps de volontaires arriva sur le lieu du combat avec des ressources en linge, en charpie, en viandes,

  1. Goze, la Médecine militaire, etc., p. 19.