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d’une mort certaine. Les anciens officiers, et il en restait un certain nombre qui avaient fait la guerre du Mexique, hochèrent la tête en voyant ces nouvelles levées, et dirent qu’après quinze jours de fatigues et de mauvais temps toute cette armée de recrues fondrait comme la neige au soleil. Ils ne se trompaient pas ; mais c’est le bonheur et la gloire de l’Amérique que toute crise y éveille l’opinion, et qu’il se trouve aussitôt des hommes capables et dévoués qui s’organisent pour lutter contre le mal. Dès le premier appel des troupes, il s’était formé dans tout le nord un nombre infini de comités et d’associations : comités de charpie, comités de médecins et de chirurgiens, comités de secours de toute espèce. Il n’y avait pas un village où les femmes ne se réunissent pour s’occuper de leurs enfans, de leurs frères, de leurs maris, qui étaient sous les drapeaux. Les encourager à combattre, leur fournir des vêtemens et des provisions, des livres et des journaux ; leur envoyer des garde-malades, les ramener au pays quand ils seraient malades ou blessés, c’était là l’objet d’un zèle plus ardent qu’éclairé. Pour que tous ces efforts et ces sacrifices ne fussent pas perdus, il fallait les réunir et leur donner une direction commune ; ce fut la première pensée d’un homme que l’Amérique peut mettre au nombre de ses grands citoyens, M. Henri Bellows, pasteur d’une église unitaire à New-York et aussi célèbre par son éloquence que par sa charité. Secondé par le docteur Elisée Harris, médecin de la quarantaine de New-York, M. Bellows organisa l’Association centrale des femmes pour les secours des malades et des blessés de l’armée, association qui devait enrôler toutes les femmes du nord au service de la cause commune, et recueillir près de 400 millions de francs. Je ne crois pas qu’on trouve dans l’histoire l’exemple d’un patriotisme plus ardent, ni d’un dévoûment plus actif et plus éclairé.

Ce fut de ce premier germe que sortit la commission sanitaire. Il ne suffisait pas d’associer toutes les femmes d’Amérique, encore fallait-il savoir ce que le gouvernement voulait et pouvait faire, afin que l’association secondât le gouvernement et au besoin le suppléât. Accompagné des docteurs É. Harris, J. Harsen et W. H. Van Buren, M. Bellows se rendit à Washington. Dès le premier jour, on reconnut la déplorable insuffisance du service médical. Pour sauver l’armée, il fallait une réforme radicale ; les quatre amis se chargèrent de l’obtenir. Dès le 18 mai, ces hommes sans mandat, qui n’avaient d’autre titre que leur droit de citoyen, adressèrent au ministre de la guerre une lettre dont la hardiesse fera rougir tout Français nourri dans le giron maternel de l’administration.

« La guerre actuelle, disent-ils au ministre, est toute populaire. La nation entière, hommes et femmes, y est engagée de cœur et d’esprit,