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résistance à tout progrès, surtout à toute fusion ? Sous ce rapport, le fait est assez curieux, M. le général Daumas n’est rien moins qu’affirmatif ; et ses observations ne sont pas faites pour communiquer la foi et la confiance. Les Arabes, dit-il, ont horreur de toutes les innovations, de quelque part qu’elles viennent ; leurs aspirations ne tendent pas à autre chose qu’à imiter leurs aïeux, à se rapprocher d’eux, dans cette pensée exprimée par un de leurs grands chefs « qu’étant moins près de la création, ils ne peuvent faire mieux que ce que leurs pères avaient fait. » L’auteur, dans une série d’anecdotes, nous montre l’Arabe, même celui qui, jeune encore, a vécu de la vie européenne, même celui qui a paru le plus oublier les préceptes de sa religion ou les traditions de sa race, revenant dans sa vieillesse à ses anciens erremens, et se remettant à adorer ce qu’il avait brûlé. La civilisation a passé sur lui sans laisser de traces. C’est comme une vague sous laquelle il courbe le dos. Il retient son souffle, attend patiemment et se redresse.

De ces prémisses il semblerait que l’auteur va tirer une conclusion toute défavorable à la question algérienne. Il s’en défend ; il croit le problème très ardu, mais non pas insoluble. Il veut que la France se fasse craindre et respecter des Arabes, respecter par souci de sa propre dignité, craindre, parce que ce peuple immobile ne croit qu’à la force ; « et lorsque enfin, dit-il, le moment sera venu de placer à côté de lui une nombreuse population européenne dans de bonnes conditions de succès et de complète sécurité, seul moyen de diminuer un jour notre armée et nos dépenses, parlons haut et ferme, agissons, s’il le faut, avec énergie, et il se résignera parfaitement, en se consolant avec cette maxime favorite de ses pères : c’était écrit chez Dieu ! »

Nous n’avons rien à dire à cette conclusion, si ce n’est qu’elle nous renvoie à un lointain avenir. Beaucoup de bons esprits pensent que « le moment est déjà venu, » et la France se montre impatiente. D’ailleurs que peut-on gagner à attendre ? Le sol de l’Algérie n’a pas la fécondité merveilleuse des régions tropicales, il faut le travailler patiemment pour qu’il produise. Marchons donc à sa conquête, et appliquons-nous dès aujourd’hui, sans précipitation mais sans faiblesse, à y répandre cette nombreuse population européenne, sans laquelle la colonie ne pourra jamais se passer de notre armée pour la défendre et de notre budget pour la faire vivre.


ARSENE VACHEROT.



Relation authentique du voyage du capitaine de Gonneville ès nouvelles terres des Indes, publiée par M. d’Avezac ; Paris, 1869.


Au mois de juin 1503, un marin normand, Binot-Paulmier de Gonneville, partit de Honfleur pour les Indes orientales avec un équipage de soixante hommes. A la hauteur du cap de Bonne-Espérance, il fut saisi