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commerce, et qui constitue une sorte de parlement commercial. Ce sont donc des corporations solides, douées de tous les élémens qui donnent la considération et l’autorité. En vertu du décret du 5 septembre 1869, il est formé dans chaque province une commission permanente, composée de deux membres élus par la chambre de commerce locale et du préfet de la province ; c’est cette commission qui a le droit d’inspecter les compagnies anonymes dans les circonstances que nous allons déterminer. — Ici, nous ne pouvons nous empêcher d’intercaler un blâme. Pourquoi avoir uni le représentant du pouvoir central aux mandataires élus du commerce et de l’industrie ?

C’est qu’il est difficile de rompre avec un ordre de choses établi, si caduc qu’il puisse être, sans en retenir quelques débris ; la volonté la plus inflexible et l’esprit le plus absolu se laissent souvent entamer par la nécessité de ménager des habitudes acquises et de conserver quelques réminiscences d’un passé qu’ils renversent. Peut-être aussi la manière dont s’est opérée la réforme italienne rend-elle compte de cette anomalie : un décret est toujours obligé à plus de tempéramens qu’une loi. La commission permanente, composée comme nous l’avons dit, ne peut jamais agir qu’à la requête des intéressés. Ici se présente une différence considérable entre la réforme italienne et la législation anglaise. En Angleterre, les actionnaires seuls peuvent provoquer auprès du board of trade la nomination d’inspecteurs ; le gouvernement italien a pensé que les assurés et les déposans étaient dignes de la même assistance. Quelle raison a déterminé les auteurs du décret à venir ainsi au secours de ces deux catégories d’intéressés, à l’exclusion de tous autres, et, par exemple, des obligataires ? C’est d’abord la faveur spéciale qu’inspirent les sociétés d’assurance et la position particulièrement défavorable des assurés. Enchaînés pendant de longues années à une compagnie dont la gestion leur demeure étrangère, ne recueillant qu’un bénéfice dont l’échéance est lointaine ou conditionnelle, n’ayant que des titres personnels et non transmissibles, les assurés sont, bien plus que tous autres, exposés aux conséquences d’une administration déloyale. Quant aux déposans, il ne peut être question que de ceux qui ont placé dans une maison de banque des sommes à échéances déterminées, puisque les autres, ayant toujours le droit de retirer leurs dépôts à vue, n’ont nullement besoin de protection. Si le décret n’a pas tenu compte des obligataires, c’est qu’il est impossible, en droit comme en fait, de distinguer un porteur d’obligation d’un créancier quelconque, et qu’il eût été excessif de donner à tout créancier le droit de saisir les chambres de commerce d’une demande d’inspection. Tels sont, croyons-nous, les motifs qui ont déterminé