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manière à leur assurer des garanties qui manquaient alors et manquent encore, sauf une exception récente, à toutes les législations européennes. En multipliant les conditions de publicité imposées aux sociétés anonymes, on n’avait pas conjuré tous les périls. Il y avait lieu de craindre que le conseil d’administration, tout en se soumettant en apparence à la publicité ordonnée par la loi, ne parvînt en réalité à s’y soustraire, soit par des erreurs matérielles et volontaires dans les comptes-rendus, soit par des simulations et d’habiles groupemens de chiffres. On redoutait encore que les directeurs ne se livrassent, sans qu’il fût aisé d’en avoir une preuve certaine, à des opérations que l’acte de société ne permettrait pas. Dans ces cas, la surveillance individuelle de chaque actionnaire serait probablement en défaut, et les intéressés se trouveraient exposés à devenir victimes de machinations qu’ils auraient été dans l’impossibilité de prévenir. L’acte de 1862 autorise, il est vrai, la nomination de censeurs (auditors) par l’assemblée des actionnaires ; mais il peut se faire que ces mandataires élus manquent ou de clairvoyance ou d’impartialité, et qu’ils ne signalent pas l’inexactitude des comptes-rendus, ainsi que l’illégalité de la gestion. En prévision de ces difficultés, qui se dresseraient à certains momens critiques devant les actionnaires et mettraient à néant leur contrôle, l’acte de 1862 a cru devoir recourir à une mesure efficace et décisive. Le ministère du commerce (board of trade) a le droit de nommer un ou plusieurs inspecteurs qui procéderont à l’examen de la situation de la compagnie et en feront l’objet d’un rapport. Cette inspection ne peut être ordonnée par le gouvernement proprio motu, il faut qu’elle soit provoquée par un groupe considérable d’intéressés. Quand il s’agit d’une compagnie de banque ayant son capital divisé en actions, l’inspection gouvernementale est subordonnée à la réquisition d’actionnaires détenteurs d’au moins le tiers des actions de la compagnie. Lorsqu’il s’agit de toute autre société, la requête d’actionnaires possédant la cinquième partie des actions alors émises est jugée suffisante. Même dans ces conditions, le board of trade n’est pas tenu d’acquiescer à la demande des actionnaires ; il a le droit d’examiner les raisons qu’ils donnent et de ne pas souscrire à leurs vœux, s’il trouve ces raisons mal fondées. Il peut encore, si bon lui semble, avant de nommer les inspecteurs, exiger une caution pour le paiement des frais. Les inspecteurs ainsi désignés par le gouvernement ont les pouvoirs les plus étendus pour se faire produire les registres et documens, interroger les employés et agens de la compagnie, et au besoin leur faire prêter serment. Après un examen minutieux, un rapport doit être fait au board of trade et communiqué à la compagnie, ainsi qu’aux membres qui ont provoqué