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Alexandre Bain, en France E. Littré et les savans de l’école positiviste qui veulent bien s’occuper de psychologie. Cette méthode les a menés à des conclusions curieuses, en partie vraies, en partie fausses et contradictoires au propre témoignage de la conscience. Sans vouloir les suivre dans le développement de leurs doctrines, voyons comment ils ont été conduits au principe qui domine toutes leurs explications, et apprenons à juger cette méthode par ses résultats. Si l’on recherche les antécédens de l’école dont nous venons de citer les noms les plus connus, on peut remonter jusqu’à Locke et même jusqu’à Bacon ; mais ce n’est là qu’une origine commune à toutes les écoles expérimentales, qu’elles portent les noms d’Adam Smith, de Reid, de Hume, de Bentham, de Stuart Mil ! ou de Littré. Le véritable père de la nouvelle école psychologique, c’est Hume. Si elle tient sa méthode de Bacon, c’est à Hume qu’elle emprunte le principe de sa théorie des phénomènes de la vie morale. Ce philosophe, en effet, est le premier qui ait essayé d’expliquer par l’association des idées et l’habitude la notion de cause et le principe de causalité, l’origine des idées dites rationnelles, des affections dites naturelles, des principes moraux dits innés, enfin l’origine des actes volontaires auxquels on attribue le caractère de libre arbitre. L’école tout expérimentale de Stuart Mill, de Bain et de Spencer n’a fait que reprendre ces thèses pour les développer de nouveau en les fondant sur des observations, des analyses, des explications qui lui appartiennent.

Que presque tous les philosophes de l’école expérimentale se soient rencontrés dans la théorie qui explique tout le mécanisme de l’esprit humain par l’association, il n’y a rien à cela que de naturel. La méthode inductive les conduisait nécessairement à ce résultat. Du moment que tout problème psychologique se réduit à constater la relation des phénomènes entre eux et à en dégager une loi, il n’y a plus qu’une chose qui intéresse la science, à savoir si et comment ces phénomènes s’associent dans leur succession ou leur concomitance. C’est là toute l’explication que peut chercher une psychologie qui ne prétend pas atteindre les causes internes des phénomènes. Cette interprétation de la méthode des philosophes anglais ne laisse aucun doute après leurs déclarations formelles à cet égard. « Il faut reconnaître, dit Stuart Mill, que l’association est la théorie vraie de la production des phénomènes de l’esprit, et par conséquent qu’il serait antiphilosophique d’en chercher une autre explication. » Et ailleurs : « Il n’existe aucun phénomène de l’esprit, excepté ceux que l’association des idées présuppose, dont on puisse dire qu’en vertu de sa nature il ne pourrait résulter de cette association. Néanmoins, de ce que cette origine est possible, on ne