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dieu Soleil, que les passans ne purent méconnaître. Les fondations d’un arc de triomphe destiné à consacrer la prise de Jérusalem furent jetées sur la voie, devant l’entrée même du Palatin. Cet arc, en marbre pentélique, devait immortaliser à la fois Vespasien et Titus ; mais comme il ne fut achevé que sous Domitien, sans doute à cause de la richesse des sculptures, Domitien le dédia au seul Titus. C’est pour cela que sous la voûte Titus est représenté sur un aigle, symbole de l’apothéose.

Le lac qui s’étendait entre le Cœlius et l’Esquilin fut desséché. Les prairies couvertes de troupeaux, les chaumières, les forêts giboyeuses qui l’entouraient, les beaux points de vue disparurent. On profita de la cavité du lieu pour préparer une arène plus vaste que toutes les arènes connues ; on y ménagea, jusqu’à vingt-quatre pieds de profondeur, deux étages de constructions souterraines pour les bêtes féroces et le jeu des machines ; on entoura cet espace d’une immense construction destinée à contenir quatre-vingt sept mille spectateurs. Ainsi fut fondé l’amphithéâtre qui devait servir de type à tous les autres, qui reçut le nom des Flaviens, et que les Romains ne désignent depuis bien des siècles que par le nom de Colosseo (Colisée), sans doute à cause du colosse qui en était voisin. Promettre aux plaisirs populaires un abri aussi magnifique, c’était toucher le cœur des descendans de Romulus au point le plus sensible ; rien n’était plus propre à faire oublier Néron et à concilier à ses successeurs l’amour d’une multitude fainéante.

La Maison dorée fut attaquée à son tour. On la démolit sur le Palatin, on la défigura dans la vallée, on la masqua du côté de l’Esquilin par un édifice somptueux qui fut appelé le temple de la Paix. Ce temple, que les modernes ont confondu longtemps avec la basilique de Constantin, et dont il ne reste qu’un pan de mur derrière la basilique, fut un véritable musée. On y transporta les chefs-d’œuvre grecs que contenait la Maison dorée, entre autres l’Ialysus de Protogène, la statue du Nil avec les seize génies de l’inondation, peut-être le Laocoon ; on y forma une collection de manuscrits, on y reçut en dépôt les trésors des particuliers ; tout y fut pour le public. A la place d’honneur brillaient les trophées de la guerre de Judée, les vases d’or et le chandelier à sept branches, les images des nouveaux césars ; en un mot, le temple de la Paix devenait le temple de la famille Flavia. Enfin, comme les citoyens s’arrêtaient encore avec trop de curiosité ou de tristesse devant les restes du palais de Néron, Titus impatienté résolut de les enfouir ; mais, fidèle à sa tactique, il parut ne les sacrifier qu’à l’utilité publique, effaçant par la promesse de nouvelles jouissances les regrets qui s’attachaient au passé. Des thermes plus vastes que ceux d’Agrippa