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accueillies en Europe, même ailleurs, et font quelque peu l’office de monnaie universelle. Supposons que demain ce soit la pièce de 25 francs à laquelle on donne ce caractère en l’imposant d’un droit de 1 pour 100, tandis que les pièces de 10 francs et de 20 fr. continueraient à être frappées au droit actuel de 1/5 ; il n’est pas sûr que la première soit plus recherchée que les autres, et, si elle ne l’est pas, tout l’édifice de l’unité monétaire s’écroule immédiatement.

Si on tient tant à la pièce de 25 francs et qu’on veuille en faire la monnaie universelle, au lieu de discuter avec les Anglais sur ce qu’on peut retrancher plus ou moins légalement du poids de la livre sterling, sur ce que le seigneuriage peut y ajouter de plus-value, questions toujours très sujettes à contestation, il nous paraîtrait plus simple de déterminer nos voisins à faire le sacrifice complet de cette livre sterling et à la remplacer par la pièce de 25 francs telle qu’on la propose. On établirait un règlement pour les anciens contrats ; on donnerait une compensation à tous les créanciers. De cette façon au moins personne ne serait lésé ; on ne serait plus obligé d’élever le droit sur la monnaie à un taux excessif, on pourrait le laisser à un taux modéré, à celui qui règne en France et ailleurs, et Il n’y aurait pas de contestation sur la plus-value qui peut en résulter. Mais alors une autre question se présente. La pièce de 25 francs réalise-t-elle l’idéal de la monnaie internationale ? Assurément elle serait un progrès sur l’état de choses actuel, elle donnerait une unité assez forte, trop forte peut-être, elle serait d’un transport commode, et conviendrait parfaitement dans les échanges ; enfin elle s’ajusterait assez bien avec quelques monnaies aujourd’hui en cours. À ce titre, elle mérite considération, et nous ne mettrions pas obstacle à ce qu’elle fût acceptée, si elle avait quelque chance de l’être ; mais il faut bien en convenir, elle ne réalise pas l’idéal en fait de monnaie universelle : elle sera toujours une monnaie d’échange et jamais une monnaie de compte, car elle n’est pas décimale. Si on la divise ou si on la multiplie par 10 ou par 100, on ne trouve pas de monnaies correspondantes ; c’est là un grand défaut. Nous avons signalé ailleurs[1] les reproches qu’on adresse à notre système métrique, reproches qui tiennent à ce que les mesures adoptées l’ont été un peu trop de convention et pas assez par égard aux usages établis ; mais ce système a une qualité essentielle que personne ne conteste, dont tout le monde reconnaît les avantages : c’est la décimalité, c’est la facilité qu’il présente de diviser et de multiplier par 10 toutes les mesures à l’infini ; et

  1. Voyez la Revue du 15 mars 1869.