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s’élever très haut, sans que la valeur de la monnaie en souffre. Le premier parle d’un droit de 8 pour 100 qui aurait existé en France (ce qui est une erreur), et qui n’aurait eu, dit-il, aucun inconvénient. Il en accepterait volontiers un de 2 pour 100, et le jugerait même nécessaire pour empêcher la monnaie d’être fondue et pour l’obliger à rentrer dans les pays où elle a été fabriquée, quand elle en est sortie ; car il part de ce principe que, n’étant reçue au dehors que pour sa valeur intrinsèque et jouissant à l’intérieur de la plus-value qui résulte du droit, elle aurait intérêt à revenir. — Quant à Ricardo, il n’est préoccupé que de la fraude dans l’élévation du droit ; il craint que les particuliers n’arrivent à imiter le coin de l’état et à profiter du bénéfice ; sans cela, dit-il, il n’y a pas de droit si élevé qu’un gouvernement ne puisse établir sans voir la plus-value de la monnaie monter en conséquence. Il s’appuie sur l’utilité très grande de la monnaie, sur le monopole de fabrication dont jouit l’état, et aussi sur la supposition que celui-ci n’abusera pas de son droit pour en fabriquer au-delà des besoins. C’est la même idée qui faisait dire à Thomas Tooke que si, dans une circulation métallique qui s’élèverait à 20 millions de livres sterling, on enlevait à chaque pièce un vingtième de son poids, toutes choses restant égales, la pièce diminuée d’un vingtième aurait encore la même valeur, mais que si on s’avisait de profiter de ce vingtième pour augmenter d’autant la circulation et faire qu’il y eût 21 millions de livres sterling au lieu de 20, les 21 millions ne vaudraient pas plus que les 20.

Autrefois, quand les souverains altéraient les monnaies et leur enlevaient une partie de leur poids, ils comptaient aussi sur l’utilité de la monnaie et sur le monopole de la fabrication pour faire accepter leurs exactions ; ils espéraient que la monnaie altérée aurait toujours la même valeur qu’auparavant. Ils étaient dans l’erreur quant aux principes : la monnaie altérée n’avait plus la même valeur, et le prix des choses ne tardait pas à s’élever ; mais ils ne se trompaient pas absolument sur leur propre intérêt. D’abord il fallait un certain temps pour qu’on s’aperçût de la fraude et que les transactions tinssent compte de la dépréciation. Pendant ce temps, ils pouvaient écouler sans trop de désavantage leur nouvelle monnaie ; puis, comme on avait un besoin plus ou moins grand de numéraire, qu’il n’y en avait jamais trop en circulation, on consentait encore à donner à ces monnaies falsifiées une plus-value, non pas proportionnelle à la diminution du poids ou du titre, mais beaucoup plus importante que ne le comportaient les frais réels de fabrication. Si la diminution de poids était d’un dixième, celle de la valeur pouvait n’être que d’un quinzième, ce qui était un grand