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la forme, — de les mener de la ligne droite au solide, au cube et à la sphère. M. Reiber estime que le mieux serait de mettre le crayon entre les mains de l’enfant aussitôt qu’il est en état de le tenir. Il a remarqué ce fait que celui qui, à l’âge de trois ou quatre ans, n’a jamais songé à faire une lettre, s’est déjà plu à figurer spontanément d’autres formes. Or ces formes ne sont pas cette bouche, ce nez, cet œil par lesquels les abstracteurs de quintessence l’obligeront à recommencer plus tard ; c’est le « bonhomme » tout entier, c’est la maison avec la fumée de son toit, cette fumée en tire-bouchon qui a frappé si vivement ses regards. Là en effet, dans la maison qui fume, est le foyer, le port et le refuge. Il est déplorable de laisser se perdre sans en tirer aucun parti ces singulières dispositions. Quant aux modèles, M. Balze avait bien proposé l’étude des maîtres, de Raphaël surtout ; on lui a justement répondu que l’art d’une époque ne doit pas se renfermer en un artiste, si grand qu’il soit. La servile admiration amoindrira toujours ceux qui la professent. M. Balze citait d’ailleurs une anecdote faite pour établir qu’au besoin l’idée qu’il émet était déjà celle de son maître, M. Ingres. On avait demandé à M. Ingres de vouloir bien exécuter quelques modèles. « Raphaël est là, répondit le peintre, il n’est pas besoin d’autres modèles : » paroles modestes, mais de peu de valeur au point de vue pratique. Si Raphaël avait eu pour le Pérugin un si étroit enthousiasme, il ne fut pas sorti de la voie dans laquelle s’étaient engagés ses premiers pas. Qu’y aurait gagné l’art de la renaissance ? Un architecte a dit qu’on devait proscrire le dessin linéaire, n’admettre ni le compas ni la règle, instrumens pernicieux et funestes, — déclarer la guerre à la géométrie, du moins à celle des géomètres. Il préfère la géométrie du bon Dieu, celle des artisans. Que peut être cette géométrie-là ? L’idée de l’orateur n’a pas été développée jusqu’au bout ; il a été arrêté en chemin. Peut-être sous une forme bizarre avait-il quelque chose d’intéressant à dire ; mais le congrès ne pouvait s’attarder, il n’avait pas de temps à perdre.

Quelques-uns se refusent absolument à l’introduction du modèle-estampe dans l’éducation d’art ; ils n’y voient qu’un moyen portant à l’imitation inintelligente et irraisonnée, des exemples presque toujours morcelés, inexacts, faux, des sortes de trompe-l’œil tendant surtout à l’effet, chargés d’ombres pour les dessins ordinaires, de couleurs incohérentes et crues pour ceux de l’industrie. M. Parvillée prétend établir que nous sommes coupables autant que responsables du mal qui a été fait. Les exemples funestes ont fait le goût déplorable. Nous croyons qu’il se trompe et qu’il prend un effet pour une cause. Les exemples, les modèles que nous avons reçus ou donnés ont pu être funestes, nous en convenons ; nous n’avons