Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 84.djvu/625

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

orateurs dans la discussion du congrès, souhaitait qu’on enseignât par des explications abrégées et précises, avec le secours de quelques exercices faciles, à l’aide des images et des peintures, quelle a été à travers les siècles la marche de l’art, quels furent ses progrès ou ses phases. Les plus chétives écoles n’ont-elles pas des corridors, des cours, des promenoirs ? Qui empêcherait d’y placer, en suivant la succession des âges, une représentation des différentes manières d’architecture, depuis celle de l’Égypte, nue, puissante, immobile, éternelle, autant que l’éternité est en notre pouvoir, depuis celle de la Grèce, éclatante, souple, variée, correspondant par ses ordres aux convenances les plus distinctes, jusqu’à celles du monde chrétien, celle de Byzance et celle de France, l’art ogival ou gothique, sans oublier ce retour à Rome et à la Grèce qui caractérisa la renaissance en Italie et dans notre pays ? Cette méthode d’éducation par les yeux est introduite depuis longtemps en Allemagne.

L’idée de M. Galichon, qui a été reprise plus tard par un autre membre du congrès, paraîtra hasardée et paradoxale. Au fond, elle est sérieuse. Les exercices qu’il veut qu’on ajoute aux démonstrations ne seraient pas non plus inutiles à l’enfant. En lui faisant exécuter, sans l’excéder par des préliminaires, des lignes droites qui, placées bout à bout, figureraient un objet réel, une pyramide, en le faisant arriver ensuite à quelques courbes et à la combinaison de formes nouvelles, on lui réserverait un sujet d’études moins dur que celui de tant de petites abstractions auxquelles il est condamné aujourd’hui dès le début, lui, l’être léger et remuant, qui se fixe uniquement sur ce qui vient frapper ses sens. Ce souvenir, entré par la porte des yeux, ne se perdrait plus ; il tiendrait en éveil la curiosité de l’enfant jusqu’aux jours de l’adolescence, jusqu’au moment où le goût se forme par le développement de l’esprit.

Mais ce patrimoine de l’humanité dont une part serait distribuée à chacun, cette tradition livrée à tous, que préconise un des membres du congrès, un autre membre les repousse. Qu’avons-nous à faire du lien par lequel nous nous rattachons à ceux qui nous précèdent ? Pourquoi nous embarrasser de ces bagages qui gênent notre allure ? Nous allons en avant : à quoi bon la tradition ? Ne renoncera-t-on pas volontairement à tout cela ? Plus de cette science vaine, plus d’art ancien ! Ce sont des curiosités. En quoi importent-elles aux artistes pour répondre aux besoins modernes et inaugurer un art nouveau ? Revenons à l’art des hommes simples, sans idées préconçues. La nature suffira. — L’histoire dément cette théorie spécieuse. Les faits et les exemples ont assez montré que les plus forts sont ceux à qui il fut donné de développer par la science, non pas même par une science étroite et localisée, mais compréhensive et