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nous voulons parler de cuirs et de maroquinerie pour ameublemens, avec ornemens de chiffres enlacés, d’écussons, de couronnes, d’attributs divers. Ces œuvres plaisent moins au regard que les cuirs anciens et que ceux faits de nos jours pour les rappeler. Nous ne doutons pas cependant qu’elles n’obtiennent faveur. Elles flattent d’une façon spéciale certaines vanités, elles ont le mérite d’être un peu plus obères que les maroquineries ordinaires. Nous ne passerons pas non plus sous silence l’usage du cuir pour les reliures, notamment pour celles des albums de photographie, qui ont pris place parmi les besoins de notre temps. Ces albums sont un luxe qui date de ce siècle comme les portraits qu’ils renferment. Il y en a pour toutes les richesses, on pourrait dire pour toutes les pauvretés. L’acier, le cuivre, l’or et l’argent, la nacre, l’ivoire et le corail y sont tour à tour adaptés. Les détracteurs de notre âge, qu’ils proclament si gratuitement un âge de fer, n’aperçoivent pas combien, à mesure que nos besoins grandissent, nous avons aussi plus de moyens de leur donner satisfaction. Il n’est famille indigente qui ne possède de nos jours auprès du foyer le portrait de quelqu’un des siens. L’aïeul, le père ou la mère laissent à leurs enfans un souvenir qui ne s’effacera que peu à peu, luxe honnête et sain, s’il en fut jamais, qui mérite d’être encouragé, que les plus opulens ne connaissaient pas toujours dans les siècles qui nous ont précédés, et qu’ignorait chez les Grecs Agamemnon lui-même, le roi des rois.

A côté de ces produits d’une industrie ou d’un art qui se fait simple pour pénétrer partout, on pouvait, avec plus de surprise que d’admiration, en contempler d’autres dont l’ambition est plus haute et moins justifiée, des objets destinés au culte et qu’on fabrique en si grand nombre, — des autels, des tabernacles polychromes, dont quelques-uns, chose assez rare cependant, n’étaient pas dépourvus de goût, puis des statues ou plutôt des figures coloriées qui n’appartiennent que fort indirectement à la statuaire. On a renoncé à celles de bois nues ou dorées. Elles avaient peu d’éclat, si l’on considère la dépense qu’elles exigeaient. On a renoncé aussi, il ne faut pas trop s’en plaindre, à ces moulages en plâtre pour lesquels on se servait de l’un des captifs de Michel-Ange, afin de représenter un saint Sébastien, à la condition toutefois de lui casser un des bras pour le rajuster, et d’ajouter aussi quelques blessures et quelques flèches, sans oublier le tronc d’arbre nécessaire pour faire comprendre la scène. On a changé et remplacé tout cela. A-t-on fait mieux ? Ce que nous voyons, c’est de l’art d’industrie, de l’art pauvre, fâcheux, funeste, présentant des objets d’un goût équivoque et corrupteur, qui s’en iront servir de modèles, — quels modèles ! — dans nos églises de ville et de village. Les rois mages à robe