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l’empreinte de la main de l’ouvrier. Plus loin, les métaux précieux recouvraient d’une mince couche un alliage quelconque. On n’a plus affaire à l’argent plaqué ; le métal le plus vil qui se tient par-dessous reparaîtra au moindre frottement. Coupes, aiguières, boucliers, vases, statuettes, lampes, candélabres, étalent ainsi une richesse d’emprunt sous leur enveloppe d’argent ; l’habit ne fait pas le moine. Du reste avouons qu’au point de vue de l’art nous n’avons pas l’orfèvrerie en plus haute estime que le travail de l’acier, du fer, de la pierre ou du bois, du moment que la matière est fortement et franchement accusée. Nous n’avons pu nous empêcher d’admirer à ce titre des découpures très ingénieuses, très fines, très déliées, exécutées sur des métaux durs, le cuivre, le fer, et qui font l’effet de véritables morceaux d’orfèvrerie.

Nous passerons vite devant les pendules qui marquent l’heure sans mouvement apparent, devant ces objets de fantaisie faits de poudre de bois comprimée avec un corps agglomérant, ces semblans de sculptures qu’on nomme le bois durci, éternellement condamné à porter comme une livrée ses teintes foncées, devant les stores peints en vitraux, devant les aquariums avec leurs poissons, abrégé des merveilles de l’océan et des eaux douces, devant des mannequins articulés d’hommes, de femmes et d’enfans à l’usage des peintres, qui s’en servent, non sans raison, le moins possible. Nous n’insisterons pas davantage sur de grands vases en cristal, les lustres taillés ou coulés de Baccarat. Dans ces pièces trop vantées, la translucidité même de la matière ne permet pas de saisir la forme. Il en est de même de tous les ouvrages dont la substance est transparente. On voit à Saint-Pétersbourg, exposés à l’Ermitage comme des merveilles, d’énormes vases d’une seule pièce en cristal de roche. Ce qu’ils ont coûté de temps et de soins aux captifs sibériens peut à peine être apprécié. L’aspect n’en est pas meilleur, moins bon peut-être que celui du verre, tant il est vrai que chaque matière relève de certains procédés, qu’elle a ses frontières, ses domaines limités, et qu’elle ne peut les franchir.

Disons quelques mots de l’intervention de l’art dans l’industrie des cuirs. Cette vieille gloire de Cordoue, ces belles et solides tentures que le départ des Arabes d’Espagne a failli enlever à l’Occident, figurent avec honneur à l’exposition de l’Union centrale. Les unes sont décorées de fleurs rouges et dorées à grands ramages, d’autres de couleur cuir à ornementation sobre, composée seulement de médiocres reliefs, d’autres encore fortement repoussées. Elles forment avec les tapisseries de Beauvais et des Gobelins les plus splendides revêtemens qu’on puisse imaginer pour des parois murales. Une industrie plus récente avait aussi installé ses produits ;