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ne reculent pas devant les plus grands sacrifices pour nous enlever nos meilleurs chefs d’ateliers, nos dessinateurs, nos ouvriers et nos artistes d’industrie. Du côté de l’Allemagne, une main d’œuvre moins chère permettait de nous vaincre par la quantité et le bas prix des objets jetés sur nos marchés, désormais libres et francs. Quel était le besoin le plus pressant ? Rendre plus solides quelques-unes des qualités qui nous distinguent, et en raison desquelles, à taux égal et même plus élevé, nous nous assurons encore la préférence de beaucoup d’acheteurs. Pour cela, point d’autre moyen que de populariser les notions d’art et d’affermir le goût.

On se mit à l’œuvre. L’Union centrale songea d’abord, — si l’argent est le nerf de la guerre, il est également celui des luttes pacifiques, — à se créer des ressources en organisant des expositions. Cette détermination lui donnait en outre les moyens de faire passer sous les yeux du public des modèles nombreux d’objets de toutes matières, de toutes les époques, de tous les styles. C’était en même temps élargir le cercle dans lequel se meuvent les dessinateurs contemporains. Elle résolut de mettre en lumière des collections de meubles anciens. Son appel à des concours désintéressés fut entendu ; la première exposition déroula sous les regards les trésors d’art accumulés chez les amateurs les plus riches et les plus éclairés.

L’exposition de 1869 contenait surtout des œuvres contemporaines ; elle n’en fournissait pas moins des élémens de comparaison précieux. Deux des plus importans pavillons furent consacrés à des reproductions de statues par le galvanisme et à quelques travaux d’orfèvrerie décorés avec une certaine magnificence. Cette nouvelle métallurgie galvanique, toute récente qu’elle soit, a déjà pris un assez grand développement pour alimenter plusieurs usines. Les opérations de chimie remplacent ici l’art et la science du fondeur. L’avantage le plus réel est celui d’un moulage plus serré et plus complet. Les moindres détails sont représentés, en sorte qu’on se trouve à peu près dispensé du travail de retouche que les autres méthodes imposent au ciseleur. Les applications, tentées d’abord sur des pièces de médiocre dimension, sont devenues de nos jours plus hardies ; on s’est attaqué à de grands morceaux, à des statues et des groupes de proportions colossales. C’est ainsi que le nouvel Opéra, dans lequel on s’est proposé de réaliser une des conceptions les plus fastueuses de notre époque, aura pour couronnement un gigantesque spécimen de ce procédé de statuaire métallique à moindre épaisseur de métal, plus légère par conséquent et d’un moins haut prix. Des groupes de sept mètres n’ont que trois ou quatre millimètres d’épaisseur. En bronze, il en eût fallu douze. Il est vrai qu’ils seront cuirassés intérieurement d’une doublure