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engagés dans les molécules chimiques se séparent, se fuient, se repoussent : dans le corps du soleil, il y aurait une sorte de chaos chimique où tous les corps simples demeureraient en liberté ; c’est seulement dans la photosphère que l’affinité chimique reprendrait son empire et triompherait de la chaleur. De la même façon que la vapeur d’eau forme des nuages dans le ciel en se condensant et d’invisible devient visible, les atomes, en se groupant d’une certaine façon dans la photosphère par suite d’un léger refroidissement, engendreraient cette lumière brillante qui illumine notre ciel ; mais, à peine refroidies par suite de la transformation du calorique en travail moléculaire, les matières photosphériques retomberaient comme une pluie vers les régions centrales du soleil. Il est probable que la photosphère contient une grande quantité d’oxygène, corps dont le poids atomique est léger et qui se trouve ainsi repoussé vers les parties externes du soleil ; à mesure que les atomes s’élèvent dans la sphère de l’oxygène, ils s’oxydent, rayonnent, deviennent peu après obscurs par suite du refroidissement, et les oxydes retombant dans le gouffre se dissocient de nouveau. Une provision constante d’oxygène entretient ces combinaisons et ces décompositions perpétuelles. La photosphère, dans cette hypothèse, serait pour ainsi dire la voûte de l’affinité, et quand cette voûte est percée ça et là par des colonnes de matières ascendantes, nous apercevons la zone centrale de l’indifférence chimique, inerte et sans rayons. La matière des taches serait dans ce cas ascendante et non descendante, plus chaude que la photosphère, bien que douée d’un moindre pouvoir rayonnant.

Suivant M. Lockyear et un autre physicien anglais, M. Balfour Stewart, le directeur de l’observatoire météréologique de Kew, le contraire aurait lieu ; la matière obscure des taches serait plus froide que la photosphère environnante, elle serait descendante et non pas ascendante. La chromosphère serait sans cesse traversée de colonnes. éruptives qui, après avoir formé les protubérances, retomberaient sur la photosphère. Le spectroscope donnera quelque jour la solution de ces problèmes. Quand on regarde avec cet instrument une région solaire occupée par une tache, on voit toutes les raies de Fraunhofer s’élargir démesurément à travers cette région ; de nouvelles raies apparaissent, toute l’harmonie du clavier lumineux est rompue, certaines régions du spectre s’obscurcissent plus que d’autres ; il s’opère sur toute la surface de la tache une absorption considérable, et cette absorption est élective ; elle s’exerce principalement sur le sodium, le calcium, le fer, le chrome, le cobalt, le nickel, le plomb, etc. Rien de plus variable ni le plus changeant que l’aspect du spectre solaire quand on l’aperçoit en quelque sorte