Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 84.djvu/599

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

notamment par trois raies, rouge, verte et jaune, les plus brillantes de toutes ; 2° le sodium, révélé par une raie ; 3° le baryum, par deux raies ; 4° le magnésium, par une raie ; 5° le fer, par trois raies. Je ne parle pas de quelques autres raies très légères qu’on n’a pu encore attribuer avec certitude à aucun corps simple connu. Il ne faudrait pas croire que toutes ces raies soient d’égale importance ; celles de l’hydrogène sont les plus hautes, les plus larges, les plus éclatantes ; le sodium, le magnésium, le fer, ne montent jamais aux sommets les plus élevés de l’enveloppe solaire, ils n’occupent que des régions basses, et semblent comme arrachés à la photosphère par les éruptions violentes qui donnent lieu aux protubérances. Je ne saurais mieux donner une idée du spectre de la chromosphère qu’en le comparant à l’horizon uni d’une vaste plaine où l’on apercevrait de loin en loin des clochers pointus de diverse grandeur. Les raies brillantes ne sont pas pareilles à des traits tracés avec un tire-ligne ; leurs formes présentent des particularités fort bizarres, dont l’interprétation doit être tentée par la philosophie naturelle. L’histoire des mouvemens de l’enveloppe solaire est écrite dans ces figures délicates, le difficile est de savoir bien la lire. La raie verte (une de celles qui se montrent le plus nettement) a l’apparence d’une pointe de flèche ; elle forme comme un bourrelet au contact du disque solaire, puis s’élève en s’amincissant de plus en plus. Chaque raie hydrogénique est sur le prolongement exact d’une raie noire du spectre solaire ; mais j’ai vu la raie noire entrer bien avant dans l’intérieur de la flèche verte et dépasser le bord de la photosphère ; j’ai vu également le fer de lance vert se recourber comme un panache, se dédoubler. D’où viennent ces singulières apparences ? Elles sont les signes muets d’une effrayante tempête, d’un arrachement de la matière photosphérique soulevée à une immense hauteur, d’un courant impétueux qui entraîne une colonne d’hydrogène loin du soleil avec une vitesse qui épouvante l’esprit.

L’écrasement, l’aplatissement de la raie verte à sa partie inférieure, son amincissement dans les régions hautes de la chromosphère sont un fait permanent, dû, suivant M. Lockyear, à une diminution graduelle de la densité de l’hydrogène. Le fer de lance vert serait une sorte de baromètre qui permet de mesurer les pressions de l’atmosphère solaire. Cette induction hardie a été appuyée d’expériences directes. En voici une à laquelle il m’a été donné d’assister. On fait passer la lumière électrique par un prisme rempli de bisulfite de carbone. La lumière qui en sort traverse un tube de verre rempli d’hydrogène et contenant du sodium à la partie inférieure. Sous ce tube, on met une lampe à esprit-de-vin ; la vapeur du sodium s’élève peu à peu, et sur l’écran où l’on reçoit le