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s’entendre, et la grève s’organisa. Dans un meeting d’ouvriers tenu à ce sujet, on adopta l’ensemble des résolutions suivantes, mélange bizarre de logique et de violence qui donne une idée exacte de l’esprit qui règne parmi cette classe du Nevada :

« Résolutions. 1° L’intérêt des mineurs est identique à l’intérêt du propriétaire. Le travail engendre le capital ; sans le travail, le capital périt.

2° La santé étant le plus grand des biens que le Tout-Puissant nous accorde, notre devoir envers nous, nos familles et Dieu est de la sauvegarder.

3° Puisque l’usage de la poudre des géans, pour le travail souterrain, a été reconnu, après une expérience de plusieurs mois, nuisible à la santé, nous condamnons cet agent comme étant de substance vénéneuse.

4° Nous mettons au ban tout mineur qui continuera à se servir de la poudre des géans ; nous le regarderons comme indigne de notre respect ; il sera traité avec méfiance et en ennemi de ses compagnons de travail.

5° Nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir honorablement, s’il est possible, par force, s’il est nécessaire (honourably if possible, for cible if compelled), pour empêcher les mineurs du Nevada de se servir du géant meurtrier. »

Voilà ce qu’on peut appeler prendre le taureau par les cornes. Assurément nos employés de commerce en grève à Paris y mettent plus de formes.

Elko est une petite ville d’origine toute récente, mais à laquelle un certain avenir semble réservé. Près de la station, je ne vis cependant, outre des tentes, que des maisons mobiles en fer. J’y achetai les Elko-News, journal qui me donna les nouyelles du prix des choses à Elko et à White-Pine, des progrès rapides de l’exploitation des mines d’argent dans ce dernier canton, et de quelques scènes de violence qui venaient d’y avoir lieu. Sur la quatrième page brillait une pièce de vers ; où la poésie va-t-elle se nicher ? Trois malles-poste, chacune attelée de six chevaux, attendaient les voyageurs pour les mines. On me dit que les conducteurs de ces voitures étaient les meilleurs cochers du monde. Ils manœuvraient à la vérité avec une adresse et un sang-froid admirables leur attelage, qui se composait de fort belles bêtes, jeunes, vigoureuses et pleines d’ardeur.

Le district des mines de White-Pine contient aujourd’hui environ 12,000 habitans, agglomérés surtout dans les centres d’Hamilton et de Treasure-City. La main d’œuvre est encore fort chère. Un charpentier gagnait à Hamilton 35 à 40 fr. par jour, un mineur 25 fr.