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attentif. À l’approche du train, et comme pour éviter les regards curieux de leurs ennemis naturels, ils mirent leurs chevaux au galop et furent bientôt hors de vue.

Les ponts sur lesquels le chemin de fer traverse la rivière de Truckee sont assez bien bâtis, quoique peu faits, à coup sûr, pour obtenir l’approbation de nos ingénieurs. J’aurai plus tard sujet de parler de certains ponts dont le passage offre réellement des dangers. Pour qu’on sache à quel point cette partie de la voie reste encore en souffrance, il suffit de dire que, d’après les conclusions de la commission d’examen, présidée par le général Warren (rapport du 14 mai dernier), la compagnie du Central aurait encore à dépenser plus de 2 millions de francs pour mettre en bon état ces ouvrages d’art, ainsi que quelques hautes chaussées qui traversent la vallée de Humboldt. Dans les environs de Truckee, mais à une certaine distance, sont disséminés plusieurs grands lacs, ceux de Tahoe, de Walker, de Carson, au sud de la voie, et ceux de la Pyramide, de Mud et d’Howey sur le côté opposé.

À partir de Truckee, à une altitude de 5,866 pieds, la descente devient peu sensible. On franchit les petites stations de Boca, State-Line, Verdi, Reno, Clank’s, et l’on arrive le soir, vers sept heures, à Wadsworth, à 189 milles seulement de Sacramento, ce qui donne une moyenne d’un peu plus de 15 milles à l’heure (24 kilom.). À Wadsworth, on prend un semblant de souper, et l’on repart. La nuit approche. Chacun s’arrange comme il peut pour la passer le mieux possible ; mais il n’est pas facile de trouver sur ces petits bancs qui composent le siège de la voiture une position commode. Dans les convois de première classe, sur les voies bien tenues, il y a des wagons à lits et à restaurans, des palace-cars (wagons de luxe), comme on les appelle, qui sont au point de vue du comfortable infiniment au-dessus de tout ce qu’on possède de semblable en Europe ; mais sur le premier train direct d’une ligne à peine terminée on n’a pas le droit d’être trop exigeant, et il faut prendre son parti d’être mal à l’aise. Le général Warren, dont j’ai parlé plusieurs fois, n’a pas négligé ce détail important du bien-être des voyageurs : il fait observer dans son rapport qu’il manque au chemin de fer Central quarante-huit voitures neuves de transport, et que le prix de cette portion du matériel, joint à celui des réparations à faire aux voitures et locomotives en activité, s’élèvera à plus de 4 millions de francs. Lorsqu’une somme pareille est déclarée nécessaire pour calmer les légitimes exigences du public, on comprend que celui-ci, jusqu’à ce que cette dépense soit accomplie, ait d’excellentes raisons de ne pas être satisfait de la façon un peu sommaire dont il se voit traité. Le pays que nous traversons, caché d’ailleurs par la nuit, n’offre, au dire des agens, aucun intérêt. Je vais d’une voiture à l’autre, je remarque