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qui, offrant moins de difficulté d’exécution, exigeaient encore des frais extraordinaires, à 32,000 dollars (160,000 francs) par mille, le reste enfin à 16,000 dollars (80,000 francs) par mille; 3° le privilège d’émettre des obligations pour une somme égale à l’emprunt et ayant priorité sur ce dernier; ces obligations étaient remboursables en trente ans, et portaient un intérêt de 6 pour 100 par an; elles équivalaient, comme l’emprunt, à une somme d’environ 55 millions de dollars (275 millions de francs).

Les deux compagnies entraient donc en campagne pourvues ensemble d’un capital nominal et d’un crédit estimé au pair à 150 millions de dollars (40 millions de terrains, 55 de subvention officielle et autant d’obligations à émettre), soit 750 millions de francs. Les frais généraux de construction, y compris les bâtimens de toute sorte et le matériel, étaient évalués à 50,000 dollars par mille, c’est-à-dire pour la distance totale de San-Francisco à Omaha à 94,900,000 dollars (474,500,000 fr.). Ces chiffres ne sont pas d’une exactitude rigoureuse, bien entendu : pour qu’ils le fussent, il faudrait attendre la publication des comptes de la compagnie; mais ils serviront à donner une idée suffisante de la munificence du gouvernement américain et de la situation financière des deux compagnies au moment où les travaux allaient être commencés d’une manière sérieuse. Faisons pourtant remarquer que cette situation n’était pas aussi brillante qu’elle le paraît au premier abord : les terrains alloués aux compagnies et figurant sur leur actif pour 40 millions de dollars ne représentaient en réalité qu’une valeur future, car il était impossible d’en disposer autrement qu’en faibles parcelles, et au fur et à mesure que l’avancement de la voie les rendrait accessibles; de plus l’emprunt et les obligations ne se vendant pas au pair, ils eurent à subir une dépréciation d’environ 10 pour 100, et les obligations ne furent pas toujours d’un placement facile.

Telle qu’elle était, l’affaire n’en restait pas moins superbe, et l’on ne perdit pas de temps pour en tirer tout le parti possible. On trouva aisément des personnes honorables, dont les noms offraient des garanties solides, pour placer à la tête des deux compagnies. Le général John Dix accepta la présidence de celle de l’Union; M. Thomas Durant en fut nommé vice-président et directeur général. Celui-ci devint bientôt l’âme de l’entreprise, de hautes fonctions militaires et diplomatiques ayant obligé le général Dix à sacrifier sa position aux devoirs publics. En Californie, on choisit MM. Leland Stanford et Huntington comme président et vice-président du chemin de fer Central.

Afin de se rendre compte des obstacles que, malgré l’aide énergique du gouvernement, les compagnies eurent à vaincre, il faudrait