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les mouvemens d’importation de la matière première, il est impossible de ne pas être frappé de l’importance des achats de coton brut que réalisent tous les ans certains états. Il n’y a pas jusqu’à l’Espagne qui ne s’efforce d’entrer en ligne. Elle accapare dans ses fabriques de Catalogne la plus grande partie du coton turc. Elle obtient avec ce beau lainage qu’elle trouve à ses portes des articles très remarquables pour sa consommation intérieure, et elle exporte en outre des tissus où se retrouve le goût particulier de la race, et qui sont recherchés dans toutes ses colonies aussi bien que dans les anciennes possessions espagnoles de l’Amérique.

Les autres nations du continent font à la Grande-Bretagne une guerre plus dangereuse encore. Malheureusement pour l’honneur et les intérêts de l’Angleterre il est arrivé que, débutant dans la carrière commerciale, elles se montraient d’ordinaire plus scrupuleuses que leurs devanciers, et assuraient ainsi à leurs marques une faveur et une notoriété rapides. Ces nouveau-venus offrent aux populations avec lesquelles ils se mettent activement en rapport, au point de vue de la bonté des marchandises et de la sûreté des transactions, des garanties que le commerce britannique ne présente plus au même degré ; ils se sont glissés à la suite des Anglais sur beaucoup de marchés où ils leur sont maintenant préférés. Ils s’y étaient d’abord, les Allemands surtout, introduits à la faveur de contrefaçons audacieuses. Longtemps les mots patent London figurèrent sur des ballots d’origine germanique à destination du Levant et de l’extrême Orient. Ils se posent maintenant en rivaux plutôt qu’en plagiaires, leurs marchandises étant mieux fabriquées que celles du royaume-uni. Il faut le dire à l’Angleterre, le niveau moral chez ses marchands, ses financiers et ses manufacturiers a baissé singulièrement depuis qu’ils se sont imaginé que le commerce du monde leur appartenait par droit de conquête. L’amour du gain facile, qui est une des plaies de notre temps, a gagné les hautes régions du négoce britannique. Nous allons aborder une question délicate; aussi est-ce chez nos voisins eux-mêmes que nous irons chercher les pièces du procès européen que nous instruisons. La collection du Times nous fournit plus d’un exemple du laisser-aller avec lequel les exportateurs de l’Angleterre traitaient leurs lointains cliens. Les allégations du journal de la Cité de Londres s’appuyaient soit sur des actes officiels, soit sur des documens irrécusables, et n’ont pas été démenties.

Depuis une dizaine d’années environ, les détaillans des bazars de l’Indo-Chine se plaignaient sourdement de la mauvaise qualité des tissus que leur envoyait le royaume-uni. Les toiles étaient trop faibles, et le manque de poids était déguisé par un excès d’apprêt,