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correspondant, les États-Unis doivent se suffire à eux-mêmes, mais ils sont résolus à battre l’Angleterre dans l’Indo-Chine et partout où cela leur sera possible; ce sera là notre guerre, celle qui sera la plus sensible à l’ennemi, notre revanche des déprédations de l’Alabama et de la reconnaissance des droits des belligérans accordée aux confédérés. » Ces paroles ardentes sont la traduction fidèle de l’opinion populaire. De pareilles dispositions généralement répandues chez une nation jeune, éclairée, industrieuse et riche, sont plus fâcheuses pour les usines du Lancashire que le manque de coton dont se plaint M. John Bright.

Cette prétendue pénurie de matière première, nous avons maintenant en main tous les élémens nécessaires pour savoir exactement à quoi elle se réduit. En réalité, de 1865 à 1868, le plus grand écart que l’on puisse constater entre les quantités annuellement importées en Angleterre n’atteint pas 90,000 balles, c’est-à-dire la consommation moyenne des fabriques du royaume-uni pendant deux semaines actives. Ces approvisionnemens, il est vrai, on n’a pu se les assurer que par des moyens coûteux et à des prix qui faisaient à l’industrie britannique une situation précaire. On trouve sur certains marchés du Levant et de l’extrême Orient des tissus anglais vendus à 15 et 20 pour 100 au-dessous du prix de revient actuel. Une pareille anomalie paraît pourtant être plutôt le signe que la cause de la stagnation des affaires. Ce n’est pas là ce qui fait péricliter l’industrie du Lancashire; c’est un des mille symptômes qui révèlent le mal dont elle souffre, mal que les événemens qui se sont accumulés depuis cinq ans ont aggravé, mais non déterminé : le germe en existait longtemps avant la guerre de sécession. L’abondance et le bas prix du coton ne suffiraient pas à le guérir. Si l’on n’y prend garde, si on ne le combat vigoureusement, il provoquera la décadence continue des usines de la Grande-Bretagne, Ce qui mine l’industrie anglaise, c’est que ses débouchés se resserrent, c’est que des marchés qu’elle était en position de fournir seule ne lui appartiennent déjà plus. Ceci constitue le second point que nous avons à examiner.


II.

Sans doute les États-Unis ont annoncé un peu trop vite et un peu trop bruyamment qu’ils allaient faire concurrence aux produits britanniques à l’extérieur. En attendant que ces menaces reçoivent un commencement d’exécution, ils ont dès à présent réussi à subvenir dans une large mesure à leurs propres besoins. Du mois d’août 1868 au mois d’août 1869, les filatures de l’Union ont transformé près