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confédération illusoire. Outre que nous sommes trop grands, nous ne pouvons faire ménage ensemble, nous vous ressemblons trop peu politiquement et socialement. Il sera mieux pour tout le monde que vous formiez entre vous une confédération nouvelle où vous réglerez vos affaires intérieures comme vous l’entendrez. Seulement nous ne voulons pas vous devenir étrangers ; nous vous sommes nécessaires, et vous nous êtes nécessaires ; vous êtes nos alliés naturels, et nous sommes vos protecteurs naturels. Nous conclurons avec vous des traités commerciaux et militaires qui sauvegarderont les intérêts économiques de l’Allemagne et sa sûreté. » Il eût été plus difficile peut-être de faire agréer à l’Allemagne et à l’Europe cet arrangement, qui trompait les espérances des uns, donnait prise aux défiances des autres. Cependant la franchise est toujours rassurante, et cette solution eût été moins dangereuse que l’équivoque instrument de paix qui a été ébauché à Nikolsbourg, mis au net à Prague.

Le 17 août 1866, c’est-à-dire peu de jours avant que le traité de Prague fût définitivement signé et paraphé, le roi Guillaume Ier recevait une députation hanovrienne composée du ministre d’état, du vice-président de la haute cour d’appel et d’un conseiller du trésor. Ces messieurs venaient tenter un dernier effort pour sauver l’indépendance de leur pays. Ils assurèrent au roi que depuis les derniers événemens l’immense majorité de leurs compatriotes ne faisait plus difficulté de reconnaître la suprématie de la Prusse en Allemagne, que les Hanovriens se prêteraient de bon cœur à tous les sacrifices que la nouvelle confédération pourrait imposer à leurs droits de souveraineté, mais qu’ils étaient profondément attachés à la maison de leurs princes, qu’au surplus, si le possesseur actuel de la couronne de Hanovre ne paraissait pas offrir à la Prusse des garanties suffisantes, il était prêt à abdiquer en faveur de son successeur légitime. La réponse du roi est empreinte de cette bonhomie fourrée de finesse dont Guillaume Ier se sert pour donner de la grâce à ses refus, un air d’abandon cordial et paternel à ses partis-pris. Il déclara qu’il n’avait garde d’en vouloir aux Hanovriens de l’attachement qu’ils témoignaient à leurs princes, qu’il les en estimait davantage, et leur savait gré de leur démarche, qu’il en prenait occasion de leur exposer les motifs qui l’avaient conduit, contrairement à ses intentions primitives et après bien des combats intérieurs, à former le dessein, « maintenant irrévocable, » de faire des annexions. Il n’avait jamais eu en vue que le bien de l’Allemagne et de la Prusse, et n’avait jamais songé à faire que des conquêtes morales : si à l’âge de soixante-dix ans il en venait à désirer davantage, on devait s’en prendre aux circonstances, aux agressions incessantes de ses