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I.

C’est Charles Perrault, l’auteur des Contes de fées, qui détermina Colbert à fonder une Académie des Sciences sur le modèle de la Société royale de Londres. Cette académie, à l’origine (1666), comprenait non-seulement des géomètres et des physiciens, mais aussi des érudits et des hommes de lettres ; elle était divisée en sections qui s’assemblaient séparément et qui avaient seulement quelques réunions générales; c’était à peu près, sur une échelle réduite, l’organisation actuelle de notre Institut. Cependant l’Académie française et l’Académie des Inscriptions, qui existaient déjà de leur côté, — la première fondée, comme on sait, par Richelieu en 1635, la seconde par Colbert lui-même en 1663, — s’émurent du caractère de généralité donné à cette institution rivale; elles firent remarquer qu’il y avait là un double emploi, et au bout de très peu de temps Colbert réduisit le rôle de l’académie nouvelle aux études et aux recherches purement scientifiques. L’académie ainsi constituée ne comprit d’abord que seize membres choisis par Colbert avec grand soin. Les plus célèbres de ces premiers académiciens furent Huyghens, Roberval, Picard, Auzout; nous y pouvons ajouter Claude Perrault, le frère de Charles, à la fois médecin et architecte, et qui devait bientôt s’immortaliser en fournissant les plans du nouveau Louvre,

Sous la protection éclairée de Colbert, les seize académiciens formaient une petite famille assidue au travail, aussi modeste que laborieuse, attentive à tout étudier et absorbée dans le désir de découvrir des vérités nouvelles. L’académie se réunissait deux fois par semaine, le mercredi et le samedi ; les séances du mercredi étaient spécialement consacrées aux travaux mathématiques, celles du samedi aux expériences de chimie et d’histoire naturelle, que la langue du temps réunissait sous la désignation commune de physique. Tous les membres payaient largement de leur personne, tous les plans d’études étaient mis en commun, et chacun s’ingéniait à combiner son action avec celle de ses collègues. Ce n’est pas que les plans proposés fussent toujours heureux, ni que les expériences que l’on instituait fussent toujours fécondes. Il est certain que les méthodes alors suivies dans les études de chimie, d’histoire naturelle, nous paraissent maintenant bien stériles, et l’historiographe de l’académie n’a pas de peine à provoquer notre sourire en nous retraçant par le menu quelques-unes des recherches qui étaient alors gravement poursuivies dans le laboratoire de nos savans. Pourtant son récit nous laisse une impression sérieuse; on se sent pris de sympathie pour les allures simples, pour la robuste