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les rampes à franchir. Il est clair en effet que, si le tunnel avait été creusé au fond de la vallée, la longueur en eût été beaucoup plus grande, et la dépense infiniment plus considérable sans que les frais de traction en eussent été proportionnellement diminués.

L’ouverture du côté italien, à Bardonnèche, qui devait, par la disposition des lieux, commander l’emplacement du tunnel, fut fixée à environ 1,291 mètres au-dessus du niveau de la mer. L’ouverture du côté français, près de Modane, devait se trouver le plus bas possible par rapport à celle-ci, afin que le tunnel pût se raccorder plus facilement avec la ligne qui aujourd’hui s’arrête à Saint-Michel. Voici comment on put déterminer le point d’attaque. De quelque manière qu’on opérât, il fallait, afin de permettre l’écoulement des eaux, que le tunnel eût une double pente, l’une dirigée vers le versant sud ou Italien, l’autre vers le versant nord ou français, et que le point culminant se trouvât précisément au milieu, à égale distance des deux ouvertures ; mais, l’ouverture sud étant la plus élevée, il fallait que la pente vers le sud fût la plus faible possible, c’est-à-dire de 1/2 millimètre par mètre environ ; par contre, l’ouverture nord étant située plus bas, la pente, à partir du milieu, devait être aussi forte que le permettaient les exigences de la traction ; elle fut fixée à 22 millimètres par mètre. Ces chiffres, appliqués à la longueur de 12,200 mètres que doit avoir le tunnel, mettent l’ouverture de Modane à 128 mètres environ plus bas que celle de Bardonnèche, c’est-à-dire à 1,163 mètres au-dessus du niveau de la mer, et à 110 mètres au-dessus du fond de la vallée. Et comme Saint-Michel, point extrême de la ligne actuelle, est à 722 mètres, la hauteur à racheter jusqu’au tunnel sera de 441 mètres.

Les deux points d’attaque étant déterminés, il fallut s’assurer que les galeries creusées de part et d’autre se rencontreraient au milieu. Une simple déviation de 1/2 centimètre par mètre dans chacune d’elles suffirait pour les faire passer, au centre de la montagne, à 120 mètres l’une de l’autre. Pour déterminer la direction d’une manière certaine, on commença par fixer et jalonner extérieurement le plan vertical dans lequel se trouvent les deux ouvertures. L’opération présentait de sérieuses difficultés en raison de l’élévation de la montagne à franchir, montagne dont le sommet est à peu près inaccessible. Il fallut procéder trigonométriquement, et, au moyen de triangles successifs, jeter sur la montagne une ligne imaginaire qui, se brisant en autant d’angles qu’il se rencontre d’aspérités interceptant la vue, montait par degrés de l’ouverture de Modane jusqu’au sommet, pour redescendre sur l’ouverture de Bardonnèche. Ce ne fut qu’après plusieurs tentatives répétées que l’opération réussit, et qu’on put avec certitude planter sur le point culminant un