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M. Vignole, et à un Suédois, M. Ericsson. M. le baron Séguier s’en est occupé spécialement, et a étudié la question assez à fond pour qu’on puisse le considérer comme l’inventeur du système qui vient d’être appliqué avec succès au railway du Mont-Cenis par une compagnie anglaise, et qui porte le nom de système Fell. Voici théoriquement en quoi il consiste. Outre les deux rails qui, comme sur les voies ordinaires, supportent la machine et tout le train, il y a un rail central, élevé au-dessus du sol de 18 centimètres environ, et solidement fixé aux traverses de la voie. Ce rail est embrassé par deux roues horizontales qui le pressent, et qui augmentent beaucoup l’adhérence. Pour se figurer l’effet qu’il produit, il suffit de se rappeler comment une barre de fer introduite entre les deux cylindres d’un laminoir est entraînée par le mouvement de rotation de ces cylindres. Ici, la barre est fixe, c’est le rail, le laminoir est mobile, ce sont les roues, et celles-ci, par l’effet de la réaction, sont entraînées en avant. Grâce à ce système, qui rend l’adhérence indépendante du poids de la machine, on peut gravir des rampes de 80 à 90 millimètres par mètre.

Les locomotives ont huit roues solidaires et de même diamètre, quatre roues verticales portant sur les rails extérieurs, quatre roues horizontales exerçant sur le rail central une pression qui est réglée par le mécanicien au moyen d’une vis et de ressorts, et qui peut être portée à 30 tonnes. Comme le poids de chaque machine est de 20 tonnes, il en résulte que la pression totale des huit roues sur les rails est de 50 tonnes, et qu’elle produit une adhérence du sixième de ce chiffre, c’est-à-dire de 8 tonnes. Les machines marchent à la pression de 9 atmosphères, et peuvent remorquer un train pesant de 20 à 30 tonnes.

Les locomotives comme les wagons sont armés d’un frein ordinaire à sabots de bois ou de fonte et d’un frein central qui serre le rail du milieu. Ils obéissent l’un et l’autre à la même manivelle, et sont manœuvrés simultanément. Toutes les voitures sont articulées, et portent en outre deux galets directeurs entre lesquels passe le rail médian; enfin chaque essieu est muni d’une roue folle pour éviter le déraillement dans le passage des courbes. Le rail central, qui constitue l’originalité de ce système, remplit donc trois fonctions principales: d’abord il augmente l’adhérence des trois cinquièmes et aide à la traction dans la même proportion; dans les courbes, embrassé qu’il est par les roues horizontales, il empêche les déraillemens; enfin, au moyen du frein qui le serre comme un étau, il permet dans les descentes d’arrêter les trains presque instantanément.

La voie ferrée, qui à Saint-Michel comme à Suse aboutit dans l’intérieur des gares des compagnies de Lyon et de la Haute-Italie,