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l’époque où le passage offrait quelque danger, cet hospice n’est plus habité que par un abbé qui se fait avec la pêche du lac un revenu considérable.

La hauteur du col au-dessus du niveau de la mer est de 2,098 mètres ; celle de Saint-Michel étant de 722 mètres, la différence de niveau entre ces deux points est de 1,376 mètres, et la distance de 52 kilomètres. Les rampes varient entre 3 et 8,50 pour 100. Sur le versant italien, elles sont plus fortes, car la distance entre le col et Suse n’est que de 27 kilomètres, et la différence de niveau de 1,562 mètres. La route ici ne suit plus les sinuosités de la montagne à cause des avalanches, qui sont à craindre sur plusieurs points ; elle descend en lacets et arrive à Suse par la belle vallée de la Novalèse. En temps ordinaire, les voitures mettent douze heures pour faire les 79 kilomètres qui séparent Saint-Michel de Suse, et sont parfois obligées d’atteler jusqu’à quatorze mules ; mais pendant l’hiver le trajet, souvent dangereux, se fait en partie en traîneau.

Cette route, chef-d’œuvre de hardiesse et de solidité relative, a beaucoup contribué à multiplier les relations entre la France et l’Italie; elle était la voie la plus directe pour se rendre à Turin et incessamment parcourue par des services réguliers pour les voyageurs et les marchandises. Toutefois, si elle constituait un progrès énorme sur les sentiers de mulets qui l’avaient précédée, elle devenait elle-même bien insuffisante en présence des conditions nouvelles que les chemins de fer ont apportées aux relations des peuples. La quantité de marchandises transportées et le nombre de voyageurs en mouvement se sont accrus, grâce à ces voies de transport, dans des proportions telles que tous les anciens modes de locomotion ne peuvent plus satisfaire aux nouvelles exigences. Ce n’est pas seulement aux nécessités d’un trafic agrandi qu’il faut trouver moyen de faire face, c’est encore à un besoin de rapidité devenu général. Lorsqu’en seize heures on peut parcourir 680 kilomètres pour venir de Paris à Saint-Michel, il est difficile de se résigner à mettre douze heures pour faire les 79 kilomètres qui séparent Saint-Michel de Suse, les deux points où l’ancienne ligne du Victor-Emmanuel se trouve interrompue par la chaîne des Alpes. C’est pour combler cette lacune que le percement du Mont-Cenis par un tunnel fut décidé; mais ce travail devait durer longtemps. On avait calculé que, par les procédés ordinaires, il ne faudrait pas moins de vingt-quatre ans pour le terminer, et bien qu’à l’aide des nouveaux procédés découverts par M. Sommeiller on pût espérer diminuer de beaucoup ce délai, le laps de temps qui devait s’écouler était encore assez considérable pour qu’on avisât à quelque autre moyen de franchir la montagne. C’est ce qui décida une compagnie