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la recherche qu’il nous reste à faire, nous ne saurions hésiter sur le point de départ dont il faudra, moyennant les documens à notre disposition, prolonger les lignes dans la direction du point d’arrivée. Ce point de départ, c’est le polythéisme sémitique dans toute sa généralité. Voir en quoi il se distinguait des autres polythéismes et comment ce caractère distinctif a pu, dans des circonstances plus favorables qu’ailleurs, aboutir à ce remarquable monothéisme des prophètes du VIIIe siècle, telle est la forme nouvelle, plus resserrée déjà, du problème que nous avons à résoudre.


II

Chacun sait qu’on entend par famille des peuples sémites ce groupe de populations que nous voyons dès une antiquité reculée occuper l’Asie du sud-ouest dans l’espace compris entre l’Arménie, les monts Zagrées, le Golfe-Persique et la Mer-Rouge, ici à l’état sédentaire, là menant la vie nomade, tantôt mêlées à des tribus d’une autre origine, tantôt très jalouses de maintenir la pureté du sang. Les Araméens orientaux et occidentaux (Chaldéens et Syriens), les Assyriens, les Arabes, les Philistins, les Phéniciens, les tribus cananéennes pour la plupart, enfin tous ces peuples d’importance inégale dont, selon la Genèse, Abraham ou son neveu Loth sont les pères communs, tels que les Israélites, les Édomites, les enfans d’Ismaël, les Moabites, les Hammonites, sont les représentans les plus connus de cette famille ethnique. On sait aussi que le caractère distinctif le plus saillant de ces peuples est fourni par la langue, radicalement différente chez eux des idiomes parlés par les races environnantes. Ce phénomène est d’autant plus remarquable qu’aucune différence physique notable ou constante ne le sépare de ses voisins ; mais cette différence de langage, qui dénote une différence morale, nous avertit qu’on est en face d’un autre esprit, d’une autre manière de sentir et de concevoir les choses. Aussi n’est-il pas étonnant de voir une certaine conception religieuse prendre rang à son tour parmi les caractères généraux de la race dont il s’agit. Sans exagérer le sens de cet aphorisme qui veut que le Sémite soit monothéiste d’instinct, ne fermons pas non plus les yeux devant ce fait, capital dans l’histoire religieuse, que ce sont des Sémites qui ont fondé le monothéisme, non pas seulement comme idée ou vérité philosophique, ce qui s’est vu ailleurs, mais, ce qui ne s’est vu nulle part, comme religion populaire. Il faut donc qu’il y ait eu dans leur esprit quelque prédisposition, dans leur mythologie quelque germe dont le développement ait facilité l’apparition d’un pareil culte. Au surplus, la race sémitique ne fait