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bas de l’échelle, se réveillent aujourd’hui, et il faudra compter avec elles, parce qu’elles sont la majorité d’abord, ensuite parce que certains états ont intérêt à s’en faire les protecteurs. Si les Polonais veulent conserver des chances de reconstituer leur patrie, qu’ils rompent d’abord avec leurs traditions aristocratiques et ultramontaines, et que surtout ils se dévouent à relever les Ruthènes, à leur procurer plus de bien-être et plus de lumières.

Ils devraient aussi modifier leur attitude à l’égard des autres nations slaves de l’empire. Ils leur ont été hostiles, parce que Tchèques et Croates s’appuyaient sur la Russie ; mais c’était là l’effet d’un cercle vicieux, car ceux-ci ne s’appuyaient sur la Russie que parce qu’ils ne trouvaient point de sympathie en Autriche. Ce que les Slaves du sud ne pardonnent point aux Polonais, c’est qu’ils ont aidé les Turcs à maintenir le joug qui pèse sur les Serbes et sur les Bulgares. « Ils veulent, me disait-on à Agram, reconquérir leur patrie, pourquoi combattent-ils contre nous, leurs frères, qui n’avons non plus qu’un but, affranchir la nôtre ? Ils se rangent dans les rangs des Turcs, parce que les Turcs sont les ennemis des Russes ; mais nous, que leur avons-nous fait ? Eux qui se disent les aînés des Slaves, ils trahissent la sainte cause des Slaves. Ce n’est pas ainsi que la Pologne ressuscitera. » Il semble que ces reproches aient été entendus : déjà la Galicie tend la main à la Bohême. Le nouveau programme qui s’élabore se rapproche beaucoup de celui que préconise depuis plus de vingt ans l’éminent historien Palaçky. En juin 1848, à Prague, s’était réuni un grand congrès où des délégués représentaient les différentes nations slaves. Ils se divisèrent en trois sections : dans la première se groupèrent les Tchèques et les Moraves, dans la seconde les Polonais et les Ruthènes, dans la troisième les Slaves du sud, y compris les Monténégrins. Les Polonais avouèrent leurs torts à l’égard des Ruthènes, admirent la langue ruthène au même titre que la leur, et reconnurent l’impérieuse nécessité de se débarrasser de leur Irlande en donnant complète satisfaction à ses griefs. Tous les délégués, même les Illyriens, qui inclinaient le plus vers Moscou, votèrent une protestation contre le partage de la Pologne, et repoussèrent énergiquement le panslavisme russe. Ce qu’ils résolurent de proposer aux autres races de l’empire, c’était une constitution ! fédérale sur la base de la liberté et de l’égalité. C’est encore ce qu’ils demandent aujourd’hui.

Nous venons de voir quel est le programme que recommandent les Polonais qui comprennent le mieux les nécessités de l’époque présente. Maintenant, la situation en Galicie étant telle que nous avons essayé de la faire connaître, que doit faire le gouvernement central ? Sa conduite est commandée par la position même dans