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le premier cas, plus contrôlé et plus responsable dans le second, il est, suivant les lieux et les temps, plus ou moins propre à remplir son office. On remarquera que, sauf les apparences, la nomination par l’assemblée se rapproche, en fait de mode de désignation, du principal ministre dans le régime parlementaire. C’est encore une preuve que la liberté politique, essence de la république, peut se trouver bien de certaines garanties imitées de la monarchie ; mais gardons-nous d’une confiance illimitée dans ces combinaisons du législateur : elles ne valent qu’autant qu’elles sont acceptées et respectées par les individus et les masses. Le vrai rempart de la liberté est dans les cœurs. Sachons bien que, toutes choses égales d’ailleurs, la liberté politique n’est pas plus immuablement garantie contre l’ambition et la faiblesse des hommes par une forme que par une autre. Tout ici dépend des caractères, des opinions, des mœurs. On n’a pas vu que les simples particuliers aient été moins sujets que les personnes de sang royal à usurper sur la république. Cromwell lui-même, Cromwell a rêvé un moment d’être roi. En France, ces sortes de choses sont domestica facta.

Un publiciste, qui dès ses premiers écrits s’est placé au premier rang et qui unit au don de bien penser l’art de bien dire, a parfaitement traité en vue de notre pays la plupart des questions qui intéressent la liberté politique[1]. Nous voudrions nous en tenir à la question générale que, depuis l’assemblée constituante, l’histoire a résolue pour nous de tant de façons diverses. On vient de voir que, si l’on considère la liberté politique comme l’essentiel, l’organisation du pouvoir exécutif, très importante dans la pratique, ne l’est pas autant en principe, et que, même dans la pratique, la forme qu’on lui donne n’est pas une garantie aussi efficace qu’on l’imagine dans le sens de l’ordre ou de la liberté. La forme monarchique n’a pas empêché les révolutions ; la forme républicaine n’a pas préservé des usurpations.

Est-il donc nécessaire de relire notre histoire ? Il est certain que, pour l’opinion générale, monarchie est synonyme de gouvernement. Dix siècles ont inculqué à la nation française cet amour de l’unité qui l’attache à l’unité du chef et à la centralisation du pouvoir. Méconnaître ou violenter cette croyance, cette habitude, ce préjugé si l’on veut, ce serait s’exposer à de grandes fautes. Cependant rappelons-nous les faits. La royauté héréditaire frappe surtout les esprits par un caractère de force et de stabilité. C’est ce caractère qui l’a fait presque constamment conserver ou rétablir depuis la révolution française. Cependant Louis XVI, Napoléon, Charles X, enfin

  1. M. Prévost-Paradol.